HUSS Ernest nom de scène John WILLIAM
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est né le 9 octobre 1922 à Grand Bassam (Côte d'Ivoire).
Son père, «c'est Charles Huss, ébéniste sorti de l'école Boulle, et grand aventurier devant l'Eternel.» Sa mère, c'est «Henriette Amoussan, fille de notable d'un village de la tribu des Ebriés qui vivent sur la lagune au sud de la Côte-d'Ivoire» (1). Il quitte l'Afrique en août 1930 pour une famille de la banlieue parisienne, puis une pension. En juillet 1939 il quitte le collège Chaptal et fait son apprentissage comme ajusteur-outilleur dans une usine automobile. Puis il entre « dans une école technique de perfectionnement, spécialisée en dessin industriel, en mécanique, en électricité et en mathématiques». (1)
(1) Autobiographie de John William Si toi aussi, tu m'abandonnes... Editions du Cerf 1990 |
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A sa sortie il est embauché en usine à l'outillage. Il va y rester deux ans avant de rejoindre en 1943 sa marraine, Madame Aimée RIGAUD 12, rue des Toiles à Montluçon (03). Il est embauché comme ajusteur-outilleur chez Dunlop. Dans la nuit du 15 au 16 septembre 1943 l'usine est bombardée par la R.A.F. et détruite.
Il trouve à s'embaucher immédiatement à la S.A.G.E.M. Il travaille en particulier sur l'un des fleurons de cette usine: les détecteurs de son qui sont destinés à l'aviation allemande.
Le 29 février 1944, un résistant des M.U.R.-Libération, René PETOT,électricien à la SAGEM, s'introduit dans l'atelier où est fabriqué du matériel d'écoute (détecteurs de son pour les avions) destiné à l'Armée de l'Air allemande. Il pose sur chaque détecteur une charge explosive à retardement.
Selon un rapport de police dans l'après-midi ces charges explosent détruisant quatre détecteurs, une autre charge a pu être désamorcée.
Le 10 mars 1944, 13 employés de la SAGEM dont Ernest HUSS sont arrêtés par la Gestapo et transférés à la Caserne Richemond à Montluçon (03) pour un premier interrogatoire. Puis ils sont transférés à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande à Moulins (03). Ils y sont torturés.
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«En ce triste mois de mars 1944, on nous débarqua à la prison dite de la Mal-Coiffée, face à la cathédrale de Moulins. On nous enferma tous dans la même cellule. Nous allions y passer des nuits agitées. En effet, chaque matin, de très bonne heure, la gestapo venait chercher sa ou ses victimes pour des interrogatoires que l'on savait terribles ou … pour le peloton d'exécution. Quand ils passaient devant notre porte, nos cœurs s'arrêtaient de battre. C'est seulement quand nous entendions s'éloigner le bruit de leurs pas que nous étions certains d'avoir une journée de sursis. Pendant trois semaines, nous avons vécu ces angoisses. Un matin, ce fut mon tour. Ils n'avaient pas oublié que j'étais l'un des derniers à avoir travaillé sur les appareils piégés. Je subis un interrogatoire musclé. Je ne veux pas décrire le raffinement sadique des méthodes nazies. Si j'ai tenu, c'est en raison de ma foi. Elle me fut d'un grand secours. Pour rien au monde, je n'aurais voulu trahir l'ultime poignée de main avec mon camarade d'atelier. Je sortis de cette épreuve physiquement anéanti. Quand ils me ramenèrent, je demeurai prostré un long moment au fond de ma cellule. J'étais révolté par la cruauté de ces hommes. Ils étaient nos ennemis. Je le savais, pour eux, nos vies ne comptaient pas.»
John William Si toi aussi, tu m'abandonnes Editions du Cerf 1990
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Le 26 mars trois d'entre eux sont relâchés:
Albert COUSTEIX Albert domicilié 41, rue de la Septrée à Montluçon (03)
Robert GAGNARDEAU ajusteur domicilié à Sault à Prémilhat (03)
Bertrand PEYRAUD tourneur domicilié 46, rue des Marais à Montluçon (03).
Les 9 camarades de déportation d'Ernest HUSS:
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Son père Charles HUSS écrit au sous-préfet de l'Allier pour demander sa libération. En vain.
Le 22 ou 23 avril, les dix autres sont transférés en train de Moulins à Compiègne.
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« Après quelques jours, je fus affecté à un kommando de travail, destination: gare de Noisy-le-sec. Les voies venaient d'être bombardées par l'aviation alliée. Un car nous emmena. A environ deux cents mètres avant d'arriver sur les lieux, nous entendîmes deux fortes explosions. On nous fit débarquer et attendre quelques instants devant la gare. Devant nous, des hommes passèrent portant sur des brancards de grands sacs fermés. L'un d'eux roula et s'ouvrit à mes pieds. Par une déchirure, j'aperçus une étoile jaune mêlée à de la terre et de la chair humaine. L'infirmière qui accompagnait cet horrible convoi pleurait à chaudes larmes et murmurait: Ah, les malheureux!
On nous apprit que nos camarades juifs du camp de Drancy travaillaient là à déterrer les bombes qui n'avaient pas explosé.(…) On nous fit mettre sur trois rangs. Puis, on nous compta par groupe de six. Chaque groupe fut mis sous la garde de cinq soldats allemands et l'ordre fut donné de marcher au travers des voies. Nous croisions des panneaux qui affichaient des têtes de mort. Instinctivement, nous nous écartions. Soudain, le sergent-chef cria, nous désignant l'un des écriteaux:
«Hier, Arbeit» (Travaillez ici!) Pleins d'effroi, nous fixions le trou.» Opus cit.
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Le 21 mars 1944 il est déporté de Compiègne à Neuengamme où il arrive le 24 par le convoi N° I.214. Il reçoit le matricule N° 31103. Il travaille à «Metalwerk» firme «Walther» au camp central jusqu'à l'évacuation.
Fin avril 1945 il est évacué par convoi ferroviaire vers Lübeck, puis embarqué sur une grande péniche dans l'attente d'être transféré sur un des 3 paquebots tel Le Cap Arcona .
La tragédie de la Baie de Lübeck
Le même jour ceux qui n'ont pas eu la chance d'être transférés en Suède sont embarqués à bord de trois bateaux, le Cap Arcona, l'Athen et le Thielbeck. Le 3 mai ces trois bateaux sont bombardés par erreur par la Royal Air Force qui pensait que ces bateaux étaient occupés par des militaires allemands. Environ 7500 déportés périrent dans cette tragédie.
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Il a la chance de ne pas faire partie de ceux qui montèrent à bord des paquebots. En effet il est libéré par la Croix-Rouge suédoise enfin!
«Un bâtiment suédois prit la relève. Enfin rassurés, nous laissâmes éclater notre joie. Notre cauchemar prenait fin. Nous étions ivres de bonheur. Plus de SS! Plus de Kapos! Plus de crématoires, plus de pendaisons, plus de hurlements, plus de brutalités bestiales! Enfin!»
Opus cit.
Il arrive en Suède par Trelleborg le 2 mai et prend l'avion à l'aéroport Bromma de Stockholm pour rentrer à Paris le 14 juillet 1945.
Document ci-contre: Carte d'arrivée à Trelleborg. Source: Riksarkivet E 11:19.
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Il va attendre plus de deux ans avant de s'engager dans la chanson avec succès dont le célèbre "Si toi aussi tu m'abandonnes".
La carte de Déporté Politique N° 1.101.2148 lui est attribuée sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 9 août 1956.
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Source du document ci-dessus: Archives de Paris 3595 W 126.
Ernest HUSS nous a abandonnés le 8 janvier 2011 à Antibes à l'âge de 88 ans.
Sources:
- Archives Départementales de l'Allier 996 W 654 W 6, 656 W 7, 2014 W 2 N° 15489,
- Archives de Paris 3595 W 126,
- Archives du Royaume de Suède E 11:19
- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004
- Mémorial des Français et des Françaises à Neuengamme Amicale de Neuengamme
- William John Si toi aussi, tu m'abandonnes… Les Editions du Cerf 1990
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