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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
DUTHEIL Jean Amable
 
 

est né le 9 mars 1921 au domicile de ses parents au lieudit La Vierne à Saint-Sauvier (03). Son père Louis et sa mère Marie née CLAUTRIER sont agriculteurs.

Bon élève, il obtient un baccalauréat littéraire au Lycée de Montluçon. Esprit curieux de tout, il s'intéresse à la géologie, au théâtre et illustre Les Fables de La Fontaine, mais c'est vers les sciences qu'il se tourne en s'inscrivant à la Faculté de Pharmacie de Clermont-Ferrand (63).

Photo: Michelle Péronnet.


Début 1943, ses parents accueillent sans doute un important résistant recherché par la police française. Il s'agit de Pierre KAAN, un compagnon de Jean MOULIN, qui a participé à l'organisation à Montluçon de la manifestation du 6 janvier 1943 contre le départ des requis. Selon André Touret dans Montluçon 1940-1944, «il (P.Kaan) semble avoir été hébergé quelque temps dans la famille Dutheil à Saint-Sauvier, où se trouvait, autour d'Henri Dubouchet, un groupe de résistants actifs.»
 
En juin 1943, il échappe à Clermont-Ferrand à une première rafle. Ses parents lui déconseillent vivement de retourner à Clermont-Ferrand, d'autant plus qu'il est en situation irrégulière vis-à-vis du STO (Service du Travail Obligatoire).

Le 23 juillet 1943 à Saint-Sauvier au cours d'un parachutage d'armes qui tourne mal, l'avion capote. Imprudemment, Jean DUTHEIL se rend à l'étang de Romagère avec un appareil photo, ce qui attire l'attention des SS qui l'obligent à descendre dans l'étang pour récupérer les containers vides.

Le 25 août 1943 il est recensé par la mairie de Saint-Sauvier pour le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire).

Par la loi du 16 février 1943 du gouvernement de l’Etat Français  est créé le Service du Travail Obligatoire  qui impose aux hommes nés au dernier trimestre 1919 en 1920-21-22 d’aller travailler pendant deux ans en Allemagne.


Source du document ci-dessus: Archives Départementales de l'Allier S.T.O.

Etant étudiant en pharmacie, il est considéré comme "sursitaire".

A l'automne 1943, il reprend ses études à Clermont Ferrand contre l'avis de ses parents. Il y retrouve d'autres étudiants qui font un peu de résistance.

Le matin du 25 novembre, il est à la Faculté des Sciences, rue Carnot, quand a lieu la Rafle de l'Université de Clermont-Ferrand. Voir ci-dessous le récit qu'en fait Roger BOURGOIGNON.

Il est interné à la caserne du 92ème R.I. Il y reste jusqu'au 31 décembre, date à laquelle il est transféré à Compiègne par l'express de nuit.

Le 17 janvier 1944 au matin par le convoi N°I.171 il fait partie des 1944 hommes déportés de Compiègne à Buchenwald où il arrive le 19 dans la nuit accueilli par les SS et les chiens.

Source du document ci-dessus: Service International de Recherches d'Arolsen 5799352.

Il y reçoit un premier matricule, le N°40827.

Après un court séjour en quarantaine au Petit Camp, il est envoyé le 24 février 1944 à Flossenbürg en Haute Bavière à la frontière tchécoslovaque. Il y reçoit un nouveau matricule, le N° 6625.

KL Flossenbürg: Si près de 100000 détenus sont passés à Flossenbürg, peu ont finalement séjourné au camp central en raison de la prolifération des Kommandos extérieurs, souvent très lointains, dont 69 en Allemagne et 26 en Tchécoslovaquie. Le travail imposé tourne toujours autour de deux grands axes: d'une part, l'industrie de l'armement, et en particulier de l'aéronautique avec des usines Messerschmitt, et, d'autre part, les travaux du sol dans les carrières de granit, le forage de tunnels et d'usines souterraines.
Source: Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.

Dans ce camp construit à flanc de colline par les antifascistes allemands en 1938, des milliers de détenus effectuent un travail de bagnards à la carrière.

En avril 1945, les armées alliées approchent et l'ordre est donné d'évacuer le camp le 21 avril. Les déportés sont dirigés vers Terezienstadt/Terezin en Tchécoslovaquie.

Jean DUTHEIL y décède le 6 mai 1945 selon l'état civil de Saint-Sauvier et le JO N° 121 du 26 mai 1989.

"Mort pour la France"

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 205837), il est homologué en tant que Résistant au titre de la R.I.F. (Résistance Intérieure Française). Pourtant c'est la carte de Déporté Politique 1.111.06142 qui lui  est attribuée à titre posthume sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 10 juin  1953.

 
DIAC Clermont-Ferrand

Document de gauche: La carte de Déporté Politique lui est attribuée à titre posthume le 10 juin 1953. Source: Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand.

Document du milieu: Plaque à la mémoire de Jean DUTHEIL apposée à Saint-Sauvier. Photo transmise par Michelle Péronnet.

Document de droite: Plaque à la faculté de pharmacie. Photo transmise par Franck Boussahba.

 
"Mort en déportation" suivant l'arrêté du Secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants en date du 30 avril 1989  paru au Journal Officiel N° 121 du 26 mai 1989.

La rafle de l'Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand le 25 novembre 1943

En 1939 à la déclaration de guerre l'Université de Strasbourg est «repliée» sur Clermont-Ferrand (63). En juin 1943, elle subit une première rafle qui sera une répétition pour la grande rafle du 25 novembre.

Dans Mémoire d'un déporté, Roger BOURGOIGNON, étudiant à l'Ecole de Chimie de Clermont Ferrand, raconte: « Ce matin 25 novembre nous devions avoir 2 heures de cours à l'école de chimie, 71, Boulevard Côte Blatin, suivis de 2 h de cours à la faculté des sciences, Avenue Carnot. Nous faisions le trajet soit à pied, soit à bicyclette.

Nous laissons les bicyclettes dans la cour intérieure de la faculté et prenons l'escalier qui mène dans le hall d'entrée.

Brusquement, grand branle-bas de combat! Bruits de bottes et sons gutturaux. Toutes les portes sont fermées, les troupes allemandes encerclent le quartier de la fac. En haut de l'escalier d'honneur, se tient un groupe d'Allemands et, parmi eux, le «copain» Georges MATHIEU, celui qui nous avait fabriqué les fausses cartes. Nous trahira-t-il?

Il faut noter que la rafle visait essentiellement les Strasbourgeois, professeurs et étudiants; mais les jeunes qui étaient dans mon cas ne pouvaient être sauvés que par MATHIEU. Celui-ci nous a abandonnés à notre triste sort et nous avons pris la mauvaise file de gauche.»

En effet tous les professeurs de Strasbourg et de Clermont , tous les étudiants et tout le personnel furent rassemblés dans la cour les mains levées. En présence de Blumenkamp , le chef de la Gestapo, c'est Mathieu, fils d'officier, étudiant et ex-résistant passé à l'ennemi, qui décide du sort de ses anciens professeurs et de ses anciens camarades!

 
 
Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 778 W 20 recensement pour le S.T.O.

- Archives du camp de Flossenbürg sur Ancestry.com et JewishGen.org
 
- Bourgoignon Roger Mémoire d'un déporté

- Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand

- Etat civil de Saint-Sauvier (03)

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

- Mémorial Buchenwald Dora Kommandos  Association Française Buchenwald Dora et Kommandos

- MemorialGenWeb  site internet

- Peronnet Michelle Saint-Sauvier au fil du temps novembre 2001

- Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 205837)

- Service International de Recherches d'Arolsen 5799352,

- Touret André Montluçon 1940-1944 La mémoire retrouvée CRÉER 2001
 
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