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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
COTTILLON Georges René
 
 
Archives de la famille

est né le 9 novembre 1906 au 15, rue de Verrières à Antony (92). Il est le fils de Fernand et Marie Anne Renée PASQUIER.

Incorporé le 12 novembre 1926 au 3ème Régiment d'Infanterie il est ensuite affecté au 62ème Régiment de Tirailleurs Marocains à Casablanca (Maroc). Il est libéré le 17 avril 1928.

Marié 3 enfants il est domicilié 40, rue de la Fraternité à Moulins (03).

Source de la photo ci-contre: Archives de la famille.

 
 

Il est mobilisé le 4 septembre 1939 et affecté au Dépôt du Train N° 13. Il est renvoyé chez lui le 21 novembre 1939 et classé affecté spécial dans l'entreprise de transports Loulergue où il est chauffeur.

Entré au réseau "Alliance" au 1er juillet 1942 par l'intermédiaire de Paul GUILLEBAUD, agent recruteur de ce réseau avec le pseudonyme de Mouflon, Georges COTTILLON devient agent P2 à compter du 1er juillet 1942. Il assure le passage à la Ligne de Démarcation d'agents du réseau et aussi de postes récepteurs, d'armes et de documents. Pour ce faire il aménage une cachette sous la benne de son camion selon le témoignage de la famille.
 
 

Réseau «Alliance»: cet important réseau de renseignement essentiellement militaire- mais aussi filière d'évasion- est créé en avril 1941 par le commandant Georges Loustaunau-Lacau.

Ce réseau, d'abord pétainiste, puis giraudiste, va finalement se rallier au général De Gaulle début 1944. Il est dirigé par Marie-Madeleine Fourcade et le commandant Faye.

Source: Dictionnaire Historique de la Résistance.

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Ci-dessus carte de service attestant de l'appartenance au Réseau "Alliance" membre des Forces Françaises Combattantes. Source:Archives de la famille.
 
Ci-dessus fausse carte d'identité  au nom de Georges Maréchal sans doute réalisée par le réseau "Alliance". Curieusement le lieu et la date de naissance sont exacts. Source: Archives de la famille.
 

Se sachant surveillé il va vivre clandestinement avec une fausse carte d'identité en Zone Libre dans le quartier de La Madeleine au Café du Stand  où il a une chambre.

Il est arrêté le 30 octobre 1943 à son domicile à Moulins et est interné à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande. Est impliqué dans la même affaire Claudius BEAUDOUX.

Témoignage écrit de sa fille Danièle sur l'arrestation de son père.

"Quelques souvenirs des circonstances de l’arrestation de mon père Georges Cottillon le 30 octobre 1943 à Moulins (Allier).

Je me souviens du bruit des  bottes qui a réglé mon enfance chaque jour, aux mêmes heures, dans la petite ville de Moulins, entre 1940 et 1944. C’était l’heure du couvre feu et comme chaque soir, le rituel recommençait : il fallait tirer le rideau devant l’imposte au-dessus de la porte, baisser les lumières et la voix, ne plus sortir de chez soi. Un instant les conversations s’interrompaient pour s’assurer que la patrouille ne s’arrêtait pas devant la maison. 
 
Mon père était chauffeur à l’entreprise Loulergue, Quai d’Allier, et transportait des matériaux pour approvisionner des chantiers. Il avait aménagé une cachette sous la benne du camion dans laquelle il passait en zone libre du matériel et des membres du Réseau Alliance auquel il avait adhéré le premier juillet 1942 en tant qu’agent P2, c'est-à-dire agent disponible à tout moment pour une opération. Un jour, des voisins l’ont prévenu qu’il risquait d’être dénoncé et il a dû vivre dans la clandestinité, je pense à partir du printemps 1943. Il prenait pension au Café du Stand à La Madeleine où nous allions le voir, le dimanche, grâce au laisser passer que ma mère avait fait établir pour aller au jardin que mon père avait dû louer pour la circonstance. Il venait aussi parfois la nuit à la maison et s’évanouissait dans le petit matin. Les Allemands le recherchaient activement et venaient perquisitionner la maison aussi bien la nuit que le jour. Ils étaient apparemment bien renseignés car il leur a échappé de justesse, à plusieurs reprises, prévenu à temps par une voisine qui, courageusement, avait traversé la rue après avoir entendu : « Il sera là ce soir » dans une conversation qui venait de se dérouler devant sa porte. 
 
Il arrivait que les Allemands viennent le soir tard ou au milieu de la nuit effectuer une perquisition. Ils frappaient brutalement à coups de crosse dans la porte et les volets. En hâte ma mère leur ouvrait, ils couraient dans toute la maison, fouillaient et sondaient les placards. Seule, face à un officier terriblement impressionnant qui lui demandait où était son mari, ma mère répondait invariablement qu’il avait abandonné le domicile conjugal et qu’elle était sans nouvelles de lui ; puis elle commença à dire qu’il était, non pas son mari mais son beau-frère. Les Allemands n’étaient  pas dupes de ces réponses naïves et le lui feront savoir lorsque mon père sera interné, quelques mois plus tard, à la Mal Coiffée et qu’elle se rendra à la Kommandantur pour avoir des nouvelles de « son mari ».  « Vous nous avez dit que ce Monsieur vous avait abandonné et qu’il était votre beau-frère. Pourquoi nous avez-vous menti ? », hurla l’officier en frappant terriblement du poing sur son bureau. Et ma mère eut cette réponse désarmante « Parce que, Monsieur, je ne pouvais pas « vendre  mon mari ». L’officier changea de ton : « Vous avez trois enfants, je crois, alors un bon conseil, restez chez vous ».

 Entre les Allemands qui viennent chercher mon père et les alertes, les nuits se déroulent rarement d’une seule traite. A chaque alerte, quelle que soit l’heure, il faut descendre à la cave. Celle de la maison est si longue et si voûtée, qu’elle sert d’abri à une partie de la population du quartier. Dès que la sirène hurle, il faut s’habiller en hâte et y descendre. Les autres voisins arrivent avec des enfants endormis dans les bras et avec les sacs modestes qui contiennent toutes leurs richesses : papiers, bijoux, économies. Nous sommes tous assis sur les grosses poutres posées sur le sol tout autour de la cave et l’attente commence. Tout est noir, même le sol, mélange de terre et de fine poussière de charbon. La lumière de la lampe est éteinte car, par le soupirail, nous pouvons être repérés. De temps en temps, quelqu’un allume quand même une lampe électrique pour regarder sa montre. Les visages sont graves et tendus malgré la fatigue ; aucune parole n’est échangée sauf parfois une réflexion sur l’heure, l’intensité des tirs ou la longueur de l’alerte. Enfin la sirène libératrice met fin à l’attente et chacun part silencieusement rejoindre son lit. Dans mon souvenir, mon père n’était jamais là.

Mon père continuait à venir de temps en temps la nuit, sans doute par la rivière ? Et puis c’est arrivé...
Toute ma vie je me souviendrai de la lumière de ce samedi matin d’octobre 1943 et de la scène tragique qui s’est déroulée en quelques minutes sous mes yeux. Je jouais dans la cour avec des enfants du voisinage quand tout à coup le ronflement de nombreux moteurs, des coups de freins ont rompu la tranquillité du quartier et j’ai vu déferler des soldats allemands par toutes les issues possibles. Ils arrivaient en courant, par la rue, par la cour, par le couloir de la maison On crie, on parle fort en Allemand ; le bruit des bottes est précipité, les mitraillettes sont tendues en avant. Puis c’est le silence. En haut des cinq marches, mon père est apparu, les bras le long du corps, vaincu mais digne. Il est très droit encadré de soldats, l’arme prête, et son regard embrasse le tableau des enfants qui jouent. C’est comme s’il voulait imprimer dans sa mémoire des souvenirs qui le soutiendront et lui donneront le courage d’espérer là où il s’en va. Les soldats le pressent de les suivre, l’autorisant toutefois à prendre un vêtement. Il décroche sa veste du porte-manteau du couloir et vérifie la présence du portefeuille dans la poche, geste machinal et combien dérisoire maintenant ! Nous sommes tous paralysés sur place, les pieds sont lourds, collés au sol. Je ne me souviens pas de ma mère pendant toute cette scène si intensément dramatique et qui n’a duré que quelques minutes. Une portière a claqué, un bruit de moteur. Ils sont partis. 

J’ai revu mon père quelques instants après son arrestation. Je suis partie très vite chez une petite amie à quelques maisons de là, et tandis que je montais les quelques marches avant de frapper, j’ai aperçu une traction noire qui arrivait dans ma direction. Le geste suspendu, j’ai regardé passer la voiture et ai aperçu mon père assis sur le siège arrière, entre deux Allemands, les mains prisonnières posées sur ses genoux, puis de dos, dans la lunette arrière de la voiture. Curieusement, mon regard s’est alors fixé sur sa calvitie qui le désolait tant et c’est essentiellement la dernière image que j’ai gardé de lui pour longtemps.
Nous ne le reverrons qu’en juin 1945."


Le 22 janvier 1944 il est déporté de Compiègne à Buchenwald où il arrive le 24 janvier par le convoi N° I.172.

 
Source du document ci-dessus: Service International de Recherches d'Arolsen 5700102.

Il y reçoit le matricule N° 43302. Après la quarantaine, il est affecté au  Kommando de Köln Deutz qui est proche de Cologne.

Note: Dans le document à gauche ci-dessous, K.D. pour Köln-Deutz.


 
Source du document ci-dessus à gauche: Service International de Recherches d'Arolsen 5700107.

 
Une baubrigade est un kommando extérieur mobile qui travaille souvent sur les voies ferrées soit pour les installer soit pour les réparer en cas de bombardement. La SS Baubrigade III dépend du camp de concentration de Buchenwald.

C'est sans doute sur un des chantiers qu'il rencontre un prisonnier de guerre français Charles DURET matricule N° 16547 au Stalag VI D. Grâce à ce dernier qui lui procure du papier à entête des prisonniers de guerre  Georges COTILLON peut écrire plusieurs lettres à son épouse Georgette, notamment celle ci-dessous datée du 23 décembre 1944.

 
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 Source des documents ci-dessus: Archives de la famille.
 

Le Kommando de Köln Deutz est rapatrié sur Buchenwald probablement en mars 1945 selon l'Association Buchenwald Dora et Kommandos.


La famille adhère en février 1945 à l'association "Ceux de la Mal-Coiffée" présidée par Maurice TINLAND, grand résistant moulinois.

Source du document ci-contre: Archives Municipales de Moulins 5 H 81.

Georges COTTILLON est évacué de Buchenwald le 7 avril 1945 et arrive à Leitmeritz le 9. Le 22 avril il est évacué de Leitmeritz à 80 par wagon ouvert. Les tirs des Jeunesses Hitlériennes font beaucoup de morts parmi les déportés. Ravitaillé par la population tchèque il arrive jusqu'à Prague.

Il rentre le 2 juin 1945 et le Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés lui attribue une Carte de Rapatrié. (Document de gauche ci-dessous).


Le chef du réseau "Alliance", Marie-Madeleine FOURCADE, lui fait part de sa reconnaissance pour sa contribution à la Résistance. (Document de droite ci-dessous).

Source des documents ci-dessus: Archives de la famille.

Après une longue convalescence, il exerce le métier de charcutier.


Lui sont attribuées

- la Carte de Déporté Résistant N° 1.011.09770 sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 11 avril 1952

- la Carte de Combattant Volontaire de la Résistance N° 159920 à titre posthume le 30 novembre 1960.

Sources des documents ci-dessus: 
A gauche: Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand.
A droite: Archives de la famille.

Il décède le 12 janvier 1953 à Moulins (03). L'éloge funèbre est prononcé par Paul JOYON du Réseau "Alliance".

"Mort pour la France"
 

Il  est homologué comme résistant par le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre  au titre des F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur) et des D.I.R. ( Déportés et Internés de la Résistance)  et la carte de Combattant Volontaire de la Résistance  N° 159920 lui est attribuée à titre posthume le 3O novembre 1960.



COPIE du DOCUMENT TRANSMIS PAR LA FAMILLE 

COPIE DES NOTES DU CARNET DE MON PÈRE, GEORGES COTTILLON,  DÉPORTÉ POLITIQUE POUR FAITS DE RÉSISTANCE, PAR LES NAZIS AU CAMP DE BUCHENWALD.

ARRÊTÉ À MOULINS LE 30 OCTOBRE 1943, EMPRISONNÉ, D’ABORD A LA PRISON DE MOULINS, PUIS TRANSFÉRÉ À COMPIÈGNE, ENFIN À BUCHENWALD JUSQU’EN MAI 1945, RAPATRIÉ LE  6 JUIN 1945.

SES AUTRES CARNETS LUI ONT ÉTÉ SUPPRIMÉS LORS DE FOUILLES PAR LES SS. CELUI-CI EST LE SEUL QU’IL A PU SAUVER.

Lundi 14 Mai 1945

Enfin je reprends mes notes interrompues depuis plus d’un mois ; je vais refaire la vie de ce triste mois, si cela m’est possible hélas car beaucoup de choses me sont sorties de la tête après le triste état dans lequel j’ai été.

Parti de Buchenwald le samedi 7 avril - voyage sans histoire - passé par Chemnitz, Dresden- arrivé à Leitmeritz le 9 avril - fouillé par les Pollacks, dépouillé de tout sans exception par eux - la boule à 8 et à 10 avec ¾ lt de soupe - les coups de gou..., la pelote jusqu’à minuit - un point dans le dos et de la fièvre - les coups au travail- qui n’est pas très dur mais assez.

Evacuation de Leitmeritz le 22 avril à 80 par wagon ouvert - rien à manger ce jour-là - nous allons jusqu’à Schaltau et nous revenons à Lobossitz sur une voie de garage où nous sommes gardés par les jeunes élèves SS de l’école de ce bled. Ils abattent de nombreux camarades pour rien et arrive le soir du 27 où ils s’en prennent après un wagon de Français, Belges et Italiens - 19 morts - dans la journée et la nuit précédente ils en avaient tués une trentaine dont un jeune Avesnois auprès de moi. Tristes journées où nous n’avons qu’un 1/6 de boule par jour sans soupe et toujours empilés que nous sommes dans ces wagons maudits.

Enfin le 28 au soir nous repartons laissant les jeunes SS. Le lendemain matin en passant dans une gare un Français civil nous dit que la guerre serait finie depuis hier soir 6 h. Nous passons la journée à Moldau où les civils apportent du pain et d’autres choses que nous ne voyons pas - nous attrapons un peu de pain, car il n’y a pas eu de distribution ce jour.

Le lendemain lundi nous sommes à Rostock, puis Prague où les civils nous apportent toutes sortes de choses cette fois à nous - attrapons pas mal de choses notamment de la soupe chaude,  la première depuis le 21. Le soir nous arrivons à Prague où les civils nous approchent, causent avec nous. Ils nous disent la guerre est finie - les malades du convoi sont hospitalisés - ils nous disent encore que nous allons dans un camp aux environs de Prague où nous serons gardés par la police tchèque- nous sommes littéralement ovationnés par la population en délire - les SS nous font remonter en wagons sans brutalité et nous montons en toute confiance.

Hélas! Que je me suis mordu les doigts de ne pas m’être sauvé à Prague- d’ailleurs j’ai bien manqué d’y laisser ma peau - j’ai oublié de dire que le point dans le dos m’avait repris et que j’avais toujours la fièvre - pas de distribution depuis le 28 - nous repartons de Prague avec du pain d’avance, du sucre, et quelques autres choses données par les civils - nous repartons à la nuit et alors les coups de fusil reprennent que de plus belle, et le lendemain nous nous trouvons à Abramoce où nous sommes garés sur une voie à travers champ et de nouveau gardés par des jeunes SS et les brimades et les tueries recommencent de plus belle - de plus le mauvais temps se met de la partie - dans la nuit du 30 au 1er mai nous avons 15 cm de neige et il fait froid et toujours pas de distribution.  Nous n’avons que le pain et le sucre que nous avons eu à Prague- le 2 mai on nous vole notre dernière boule de pain - nous faisons des soupes de pissenlits - moi je ne souffre pas trop de la faim avec ma fièvre qui ne me quitte pas, mais je souffre de la soif pas d’eau potable - un ruisseau au milieu d’un champ souillé de boue et d’excréments - la diarrhée me prend - nous avons une soupe des civils ½ lt et 1/6 de boule de distribution - la première depuis le 28 avril la seule que nous aurons jusqu’au 8 mai - je me sens devenir faible - et tout le temps des exécutions - nous repartons enfin le 6 mai au soir et nous sommes changés de wagon - je tombe avec Maxime Ch..... Lesage, Debruilly et L..... dans un wagon de Polacks et de Russes où nous sommes battus fouillés et dépouillés - je sauve encore une fois mon billet de 1Dm - je passe la nuit entière debout avec une fièvre de cheval et les coups de feu qui sifflent - le lendemain 2 tas de cadavres nous font voir la justesse du tir des SS. - je trouve quelques pdt que je fais cuire et que nous mangeons, 5 chacun - et nous repartons le soir - les polonais nous laissent asseoir un peu et le lendemain matin nous passons dans une ville (Budevass) que nous trouvons toute pavoisée aux couleurs blanc, bleu, rouge que nous apprenons par la suite être les couleurs tchèques- Lesage arrive à avoir un peu de pain vers les civils, mais je n’ai pas faim toujours la fièvre, je suis de plus en plus faible - partout où nous passons c’est pavoisé et la population nous acclame - toujours des coups de feu enfin vers 2 h 1/2 de l’après midi le train s’arrête dans une rampe? nous voyons des soldats allemands qui discutent avec nos gardiens qui font de drôles de gueules ; je vais chercher un peu d’eau vers la route - je vois des civils qui me disent la guerre est finie les américains sont à 5 km- je reviens au wagon je préviens les copains et je leur dis en route c’est le moment - nous retournons vers la route et nous profitons d’un moment de l’inattention des SS et nous enfonçons sous bois - la suite à demain -

Nous arrivons à la première ferme que nous trouvons ; on nous donne quelques pdt que nous faisons cuire de suite et que nous mangeons ; nous repartons et nous trouvons un civil tchèque qui nous conduit à un village où nous sommes reçus à bras ouverts - on nous donne à manger et nous couchons à l’écurie, car nous avons des poux en masse.

Le lendemain on nous conduit à un village voisin ( Ledernice) après restauration et où nous attendons jusqu’au soir pour repartir - on nous soigne bien - la population est accueillante on ne peut mieux - les Tchèques s’arment, car il y a des SS qui se cachent dans les bois et ils commencent à leur faire la chasse - le soir on nous conduit par camion et train jusqu’à Budweiss où nous rentrons au lager - on passe aux douches et on couche sur une paillasse - nous arrivons à Budweiss au même moment que les Russes y font leur entrée - c’est du délire - - je passe 3 jours au camp. On ne s’occupe pas beaucoup de nous et la nourriture est maigre - aussi le 12, me trouvant en ville à la Croix Rouge, je trouve 3 Français qui partent retrouver les Américains à Koruna et nous faisons 4 km à pied pour arriver au poste américain où nous sommes très bien reçus. On mange et on couche avec eux.

Le lendemain, nous repartons à pieds pour Passau et en 2 jours nous arrivons à l’Oberplan où les Américains nous conseillent d’attendre des moyens de communication - on nous donne des vivres et nous couchons dans une maison vide de ses habitants - nous y trouvons pdt haricots farine blanche graisse etc. - nous allumons la cuisinière et nous faisons de la cuisine - l’après midi nous allons sur les rives de la Moldau nous baigner et nous reposer- aujourd’hui samedi 16 à l’heure où j’écris nous y sommes toujours et attendons un camion pour nous conduire à Lynz- le camarade américain Georges nous procure des oeufs et du lait. Nous nous soignons bien - malheureusement j’ai toujours mes coliques, mais malgré cela je commence à récupérer un peu - et dire que si cette vie en wagon avec les SS avait duré 8 jours de plus je crois bien que je n’aurais pas revu les miens - il est vrai que sur les 3500 que nous étions au départ de Leitmeritz nous n’étions plus que 2000 environ le 8 mai date à laquelle nous avons été ? par les soldats de l’armée Vlassov paraît-il - probablement après notre départ du convoi car en effet quand nous étions sous bois on entendait de nombreux coups de feu - nous commençons à goûter à la liberté ! J’ai écrit par l’intermédiaire de Georges à Zette - je voudrais tant qu’elle soit rassurée sur mon sort. Elle doit se faire du tracas - hélas je ne peux faire mieux pour le moment : si je pouvais être chez moi pour la fin du mois je serais bien content !

Quel repos à prendre et du bonheur !

Aujourd’hui vendredi 18 on doit encore partir, mais le camion qui doit nous emmener ne vient pas vite et c’est tous les jours pareil.

On doit aller à Linz ou Passau-

Combien de temps encore avant de rentrer chez soi.

Samedi 19 mai 45 : nous voici à Aigen où nous sommes arrivés hier soir en camion - nous sommes à 58 km de Lynz et nous allons encore attendre un aller plus camion  pour aller plus loin - combien de jours ? nous avons vu un officier américain français. Nous pensons le revoir aujourd’hui et lui demander si ce sera long.

Dimanche 20 mai 45 : nous sommes arrivés hier soir ici à Passau en camion et nous devons repartir aujourd’hui pour Augsburg - il est bien question de nous ramener en avion mais je crois que ce sera en camion - je suis seul comme politique - enfin ça s’approche tout de même - si seulement ça continue!

Soir : je suis au camp d’aviation en instance de départ, mais je crois pas avant 2 ou 3 jours hélas ! enfin !

Lundi 21 mai : pas de nouvelles pour nous - nous passons la journée bien calme dans le camp d’aviation ; espérons qu’il y aura du nouveau mais je ne crois pas avant mercredi.

Mardi 22 mai : journée d’attente bien longue peut-être demain espérons le.

nom du bled Packing-

Mercredi 23 mai : journée d’attente bien longue. demain ?

26 mai : aujourd’hui samedi et toujours rien - hier il est passé des avions toute la journée mais rien pour nous -  c’est tout de même désespérant. toujours la même nourriture - des conserves - pas de pain - aussi j’ai des furoncles partout - bah ça me dégoûte.

Dimanche 27 mai : rien à signaler - toujours la morne attente - toujours plein de furoncles - toujours la même nourriture depuis 8 jours - les éternels paquets - sera-ce pour ce mois-ci?

Mercredi 30 mai 1945 : hier au moment où l’on s’y attendait le moins nous avons quitté en camion le camp de Packing et nous sommes arrivés le soir au camp d’aviation de Regensburg- nous devons repartir - paraît-il aujourd’hui- toujours des conserves pas un morceau de pain depuis le 20 - mais la santé se stabilise un peu mieux - moins de fièvre - moins de coliques.

Vendredi 9 juin : depuis avant hier après midi nous sommes dans le train en direction de la France - hier il a plu toute la matinée et nous sommes dans des wagons découverts - heureusement que j’avais une bâche dans mon coin -

Samedi 2 juin : après midi nous arrivons à Thionville enfin ! le voyage fut long - nous avons passé le Rhin à Mayence hier matin.

toujours ravitaillés par les Amerlos mais c’est plutôt maigre.

Dimanche 3 juin : nous avons enfin débarqué hier soir à Mayange et nous sommes au centre d’accueil où nous sommes très bien reçus - ça sent la France.

repas du soir : potage, purée de pdt, viande de conserve, pain blanc, 1/4 de vin- une petite fille qui chante et nous souhaite la bienvenue - et nous couchons dans un lit à ressorts mais pas de draps - ce sera pour chez soi - ce matin, formalités pour identité - les déportés - surtout ceux de Buchenwald sont particulièrement bien soignés ( je suis le seul ) 1000f etc.... un bon repas à midi avec vin et demain départ pour Paris. ça va -

Lundi 4 juin soir : nous sommes à Charleville et attendons le départ pour Paris -

Tout va bien et surtout un peu plus vite !


Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 1864 W 1,

- Archives de la famille

- Archives Municipales de Moulins 5 H 80, 5 H 81,

- Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand

- Etat civil d'Antony (92) et de Moulins (03)

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

- Mémorial Buchenwald Dora Kommandos   Association Française Buchenwald Dora et Kommandos

- Office Départemental des Anciens Combattants de l'Allier

- Service Historique de la Défense 14843 Alliance DSLO 26 91, GR 16 P 145183,

- Service International de Recherches d'Arolsen 5700102, 5700107,
 
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