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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 

KAAN Pierre Paul Alphonse

est né le 10 janvier 1903 au domicile de ses parents au N° 6, rue Broca à Paris (5ème). Son père Paul est représentant en librairie et sa mère Renée née DÉNARD est institutrice. Son père est juif et sa mère est catholique et fait baptiser Pierre.

Il est bachelier à 16 ans et demi en 1919, licencié de philosophie à 18 ans, il est tri-admissible à l'agrégation de philosophie.

Le 31 juillet 1926 à Paris (5ème) il épouse Marie VEYRUN qui est institutrice. Ils auront quatre filles.

Source de la photo:  Touret André Montluçon 1940-1944 La mémoire retrouvée Editions CRÉER 2001.


De 1934 à 1937 il enseigne à Bar-sur-Aube. Son épouse  obtient un poste à Proverville près de Bar-sur-Aube. Ils vont enseigner ensuite un an à Colmar et arrivent à Montluçon en octobre 1938. Pierre enseigne la philosophie au Lycée de Montluçon et Marie à l'école maternelle de la rue Mazagran.

Révolté par l'Armistice, il jette dans les rues de Montluçon de "petites affiches stigmatisant Hitler et l'armistice signé par les défaitistes" selon Claude SINGER dans Vichy, l'Université et les Juifs.

Selon le même auteur dans son cours de rentrée en octobre 1940 Pierre KAAN explique à ses élèves sa vision républicaine de la situation.

« L'idéal pour lequel ont combattu les Français de 1914, comme en 1939, n'est pas mort. Mais il ne saurait survivre si la France renonçait à son indépendance (…) Au lendemain d'une défaite qui livre à l'ennemi les trois cinquièmes de notre territoire, qui nous désarme, qui paralyse notre activité intellectuelle comme notre vie économique, il peut paraître paradoxal d'affirmer l'unité et l'indivisibilité de la nation française, de proclamer sa foi dans la mission d'un peuple qui, il est vrai, a traversé déjà les pires épreuves (…) Mais pour que vienne la Libération, il convient que, face à l'envahisseur, nous gardions conscience de la grandeur de notre nation, des valeurs universelles qu'elle symbolise et que nous devons maintenir intactes».

Première alerte pour Pierre KAAN quand paraît  la loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs sous la signature de Pétain:
«Est regardée comme Juif toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents si son conjoint lui-même est Juif».

Seuls ses grands-parents paternels sont juifs et son épouse est catholique.

Deuxième alerte: la loi du 2 juin 1941 qui est plus restrictive:

2° Celui ou celle qui appartient à la religion juive, ou y appartenait le 25 juin 1940, et qui est issu de deux grands-parents de race juive.

La non-appartenance à la religion juive est établie par la preuve de l'adhésion à l'une des autres confessions reconnues par l'État avant la loi du 9 décembre 1905.


Pierre KAAN a non seulement été baptisé, mais a fait sa communion. Il  fait venir son certificat de baptême… qu'il garde dans son tiroir.  Républicain et laïc intransigeant, il refuse de prouver qu'il appartient à la religion catholique pour prouver qu'il n'appartient pas à la religion juive!!

Il est donc révoqué de l'Education Nationale par arrêté du 17 juillet 1941 et ne fait pas la rentrée d'octobre 1941. Il reste à Montluçon rue Viviani en 1942 et donne des cours particuliers à son domicile.

Il entre au Mouvement «Libération» qu'il organise dans l'Allier selon Georges Rougeron.

Selon André Touret
«Lorsque Jean Moulin organise son service radio, Pierre KAAN et sa femme Marie reçoivent à Montluçon le responsable régional et pendant plusieurs mois, assurent le contact avec Londres, en particulier pour tout ce qui concerne les parachutages d'armes et les atterrissages clandestins. C'est à ce titre que dans la nuit du 2 au 3 juin 1942, en compagnie de René Ribière et de Raymond Tronche, il participe à la réception d'armes parachutées et à l'accueil de trois agents de la France Combattante.»

Il reçoit chez lui au moins une fois la visite de Jean MOULIN dont il devient l'un des adjoints.

La situation se complique avec l'occupation de la Zone Libre par les Allemands en novembre 1942.

Le 6 janvier 1943 il participe à la manifestation en gare de Montluçon contre le départ de requis pour aller travailler en Allemagne.

Selon Michel Debré son visage apparait dans le film tourné sur la manifestation. Il va entrer dans la clandestinité, chez les DUTHEIL à Saint-Sauvier (03), puis à Lyon et enfin la région parisienne avec les pseudonymes suivants : Dupin, Biran, Brulard. 

Pierre KAAN participe aux côtés de Jean Moulin, aux efforts pour unifier les mouvements de Résistance, efforts qui aboutissent à la création du CNR (Conseil National de la Résistance) le 27 mai 1943. 

Selon Henri Noguères, Pierre KAAN est "désigné pour maintenir la liaison avec les mouvements de zone Nord".


Il est arrêté le 29 décembre 1943 à Paris Boulevard de Port-Royal. André Touret emprunte au mensuel de l'ADIR (Association des Déportées et Internées de la Résistance) le récit de son arrestation: «Voix et visages» janvier-février 1973 N° 136.

«Henri Ribière, le responsable du mouvement Libération-Nord- l'attendait dans un café du boulevard de Port-Royal, tout près du métro. Il vit arriver son ami et s'apprêtait à le rejoindre lorsque Biran fut accosté par un passant…, l'homme qui, jusqu'alors avait veillé sur sa sécurité en cet instant même le livrait aux Allemands. Deux policiers surgirent».

Il est interné à la prison de Fresnes avant d'être transféré à Compiègne.

Le 27 avril 1944 il est déporté de Compiègne à Auschwitz où il arrive le 30 dans le convoi N° I.206. Il reçoit le matricule N° 185806.

C'est l'un des trois convois de non-juifs à être dirigés en wagons à bestiaux sur Auschwitz. Il met quatre jours et trois nuits pour arriver à destination. Ce convoi est resté célèbre sous le nom de Convoi des Tatoués. Là 1665 hommes vont être immatriculés et tatoués.

Pourquoi Auschwitz? Les historiens se sont interrogés. Plusieurs hypothèses sont possibles: soit il s'agissait d'exterminer rapidement ces déportés soit de les transférer dans des kommandos de travail dépendant d'Auschwitz soit parce qu'il n'y avait plus de place à Buchenwald.

C'est, semble-t-il, la dernière hypothèse qui est retenue. En effet arrivés à Auschwitz le 30 avril, 1561 de ces déportés vont en repartir à destination de Buchenwald le 12 mai. Ils y seront restés deux semaines.

Il est transféré à Buchenwald où il arrive le 14 mai et il reçoit un nouveau matricule N° 52920.


Source du document ci-dessus : Service International de Recherches d’Arolsen 6211202.


Il est ensuite transféré au Kommando de Tröglitz-Rehmsdorf aussi appelé Willy ou Wille.



TRÖGLITZ: Kommando du KL Buchenwald.
Autres appellations: Willy ou Wille-BRABAGZEIT
Localisation: à 50 km au sud-ouest de Leipzig à proximité de la ville de Zeitz
Ouverture: 05/06/1944
Evacuation: 09/04/1945
Effectifs: 3177 hommes au 31/01/1945
Activités: Firme de produit chimique BRABAG-ZEIT, construction de route, de voies ferrées, de position de canons antiaériens et production de carburant synthétique.
Les détenus étaient en très grande majorité des Juifs polonais, hongrois et roumains. Le Kommando fut dans un premier temps installé sur le site du village de Gleina. Suite à un bombardement de nuit sur l'usine, le Kommando a été évacué sur le site du village de Rehmsdorf. Les détenus étaient employés à diverses tâches. L'usine était fréquemment bombardée et l'une des tâches réservées était de déblayer et de déminer l'usine. Un témoin rappelle qu'une partie des détenus travaillaient dans une mine de charbon à ciel ouvert (travaux d'extraction et de déblaiement). Un autre témoin mentionne l'existence d'une équipe composée exclusivement de jeunes Juifs dont la mission consistait à dégager les tuyaux de carburant entremêlés à la suite des bombardements. Ce travail était extrêmement pénible et peu de détenus y résistèrent. Les détenus souffraient également du manque cruel de nourriture. Devant l'avance alliée et les bombardements, le Kommando fut évacué le 9 avril 1945 en direction de la Tchécoslovaquie. Débuta alors une longue marche de la mort qui s'acheva le 28 avril 1945 à Prague.
Source: Association Française Buchenwald Dora et Kommandos.

Source du document ci-contre : Service International de Recherches d’Arolsen  6211208.


André SELLIER dans Histoire du camp de Dora évoque l'évacuation de Tröglitz.

« Une colonne se forme à Artern, au sud de Sangerhausen, le 5 avril, pour l'évacuation de ce camp récent dépendant de Dora. Passant par Nebra, Naumburg et Zeitz, elle arrive le 8 au Kommando de Tröglitz à l'est de Zeitz. Ce Kommando de Buchenwald, peuplé surtout de Juifs, est en très mauvais état. Dans la nuit du 11 au 12, un train vient embarquer 2200 détenus, dont ceux venus d'Artern. Le convoi passe par Chemnitz et Flöha avant de s'arrêter trois jours à Marienberg, la locomotive étant en panne. Il repart le 16 avril, mais subit une attaque aérienne à Reitzenhain à la limite de la Saxe et des Sudètes. Il y a des victimes; des détenus s'évadent, certains sont repris et abattus; quelques 250 morts au total. Les survivants partent à pied par Komotau (Chomutov), Postelberg (Postoloprty) et Lobositz et arrivent le 20 au soir à Leitmeritz).

Il est libéré par les partisans tchèques le 8 mai 1945 lors d'un transport ferroviaire dans une prison près de la ville de Velešín  selon Petr Březina, mais, atteint du typhus, il décède à l'hôpital de Ceske Budejovice.

Il décède à Ceske Budejovice (Tchécoslovaquie) le 18 mai 1945 selon l'état civil de Paris (5ème) et le JO N° 245 du 21 octobre 1994.

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 315494), il est homologué en tant que Résistant au titre des F.F.C. (Forces Françaises Combattantes) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).


Une plaque en l'honneur de Pierre KAAN est apposée le 22 mars 1947 dans la cour  du Lycée de Montluçon  devenu par la suite Collège Jules Ferry.

Source du document ci-dessus: Collège Jules Ferry. Remerciements.
La carte de Déporté Résistant N°1.001.14243 lui est attribuée à titre posthume sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 12 décembre 1952.
Source du document ci-dessus: Archives de Paris  3595 W 42.
Photo de la tombe de Pierre KAAN à Ceske Budejovice (Tchécoslovaquie) envoyée à l'AFMD de l'Allier par Monsieur Petr Brezina. Remerciements.


Notes en mémoire de:

Son père Paul KAAN

né le 20 février 1872 au domicile de ses parents au N° 11, rue Portefoin à Paris (3ème). Son père Alphonse est papetier et sa mère Mélanie née LÉVY est sans profession.

Professeur il épouse  Renée Emma DÉNARD le 22 juin 1901 à Paris (5ème).

Arrêté le 2 janvier 1944 à Paris il est interné à Drancy où il reçoit le  matricule N° 17185.

Le 27 mars 1944 il est déporté de Drancy à Auschwitz dans le convoi N° 70.

Il décède
 le 1er avril 1944 à Auschwitz (Pologne) selon l'état civil de Paris (3ème) et le JO N° 245 du 21 octobre 1994.


Sa mère KAAN Renée Emma née DÉNARD

est née le 17 janvier 1878 au domicile de ses parents au N° 19, rue François Miron à Paris (4ème). Son père Ferdinand est bijoutier et sa mère Emma née OUDIT est institutrice.

Le 13 mai 1944 elle est déportée de Paris gare de l'Est à Ravensbrück dans le convoi N°I.212 et reçoit le matricule N° 38898.

Selon le livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation elle est gazée le 15 janvier 1945 à Ravensbrück.

Elle décède

- le 15 janvier 1945 selon le JO n° 245 du 21/10/1994

- le 18 janvier 1945 à Ravensbrück selon l'état civil de Paris (4ème).


Son frère KAAN André

est né le 31 mars 1906 à Paris (5ème).

Rappelé le 24 août 1939, il est affecté au 511ème Régiment de Pionniers, puis au Dépôt d'Infanterie N°12 à Lamballe (22). Fait prisonnier le 26 juin 1940 à Plancoët (22), il est interné au Stalag XII A avec le matricule N° 41869. Il est rapatrié sanitaire le 22 décembre 1942 et démobilisé le ­ 6 avril 1943.

Résistant il est déporté le 18 août 1944 de Compiègne-Rethondes à Buchenwald où il arrive le 21 août dans le convoi N° I.265. Il reçoit le matricule N° 81467.

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 315428), il est homologué en tant que Résistant au titre des F.F.C. (Forces Françaises Combattantes)  et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

Rentré.


Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 996 W 63, 1289 W 91,

- Archives de Paris 1 R 1926.502,  3595 W 42,

- Brezina Petr

- Clogenson Henry et Le Goupil Paul Mémorial des Français non-juifs déportés à Auschwitz, Birkenau et Monowitz publié à compte d'auteur

- Etat civil de Paris (3ème), (4ème) et (5ème)

- Collège Jules Ferry de Montluçon

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

- Mémorial Buchenwald Dora Kommandos  Association Française Buchenwald Dora et Kommandos

- MemorialGenWeb  site Internet

- Noguères Henri en collaboration avec Marcel Degliame-Fouché Histoire de la Résistance en France Tome 3  Robert Laffont 1972

- Remerciements à Petr Březina pour les photos et les renseignements

- Sellier André Histoire du camp de Dora Editions La Découverte, 1998

- Service International de Recherches d’Arolsen 6211202, 6211208,

- Singer Claude Vichy, l'université et les Juifs Société d'édition Les Belles Lettres 1992

- Touret André Montluçon 1940-1944 La mémoire retrouvée Editions CRÉER 2001

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