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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 

GOLTMAN Pierre Alexis Henri

Archives de la famille

est né le 31 juillet 1927 au N° 64, boulevard Chanzy à Montreuil-sous-Bois (93). Son père Marcel et sa mère Irène née JOSEPH sont commerçants et sont domiciliés rue de la Paroisse à Versailles.

Il se réfugie le 10 juin 1940 avec sa mère et son frère à Néris-les-Bains (03) chez son oncle René TIXIER et sa tante Georgette née GOLTMAN.

Photo transmise par Pierre GOLTMAN. Remerciements.


Son père Marcel  rejoint sa famille  à Néris-les-Bains et son beau-frère l'emploie comme ouvrier mécanicien.

Son frère Michel, né le 26 mai 1931 à Versailles, décède d'un accident de vélo le 4 août 1941 à Néris-les-Bains.

Suite à la rafle du 12 mai 1944 qui voit l'arrestation de 18 Juifs, les GOLTMAN quittent leur logement pour aller s'installer à l'extérieur de Néris-les-Bains.

Le 27 mai 1944 il est arrêté ainsi que son père par des collaborateurs membres du PPF dont Marcel LIMOGES «alors que bien imprudemment nous étions repassés au garage TIXIER pour prendre quelques affaires» selon Pierre.

Ils sont internés à la caserne Richemond à Montluçon (03) avant d'être transférés le 31 mai 1944 à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande à Moulins (03), puis le 2 juin à Drancy.

Le 30 juin 1944 il est déporté avec son père Marcel de Drancy à Auschwitz où ils arrivent le 4 juillet par le convoi N°76.

Dans Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, Serge Klarsfeld écrit à propos du convoi N° 76: " Il y avait environ 600 hommes et 550 femmes. Parmi eux 162 enfants de moins de 18 ans. (...) A l'arrivée à Auschwitz 398 hommes furent sélectionnés et reçurent les matricules A 16537 à A 16934; il en fut de même pour 223 femmes (A 8508 à A 8730). Le reste du convoi fut immédiatement gazé. On comptait en 1945 167 survivants dont 100 femmes".

«Cinq jours de voyage du 30 juin au 4 juillet en plein été. Un bel été ensoleillé et chaud pour en jouir en liberté. Un vrai temps de vacances. Pour nous, l'atmosphère est étouffante, l'eau s'épuise vite. Des cris fusent d'un peu partout: Wasser! Wasser! On réclame de l'eau. Nous en aurons un peu avant de franchir la frontière française. Nous sommes trop nombreux pour rester tous allongés en même temps sur la paille qui jonche le sol du wagon. C'est à tour de rôle: ceux qui ne sont pas étendus restent debout ou assis recroquevillés».

«Dans d'autres wagons, il y eut quelques tentatives de fuite. Les Allemands ont rattrapé les fugitifs, les ont fait courir tout nus le long du train et les ont tirés comme des lapins. Que sont-ils devenus, ont-ils été atteints, certains ont-ils survécu? Je l'ignore.»

« Les conditions d'hygiène pendant le voyage sont catastrophiques. Au milieu du wagon trônent des tinettes trop rarement vidées pour soixante personnes et sous un soleil ardent».

« Arrivée au camp le 4 juillet, dans un grand concert de cris (raus, schnell, etc.), de coups de pied et de coups de crosse».

« Nous étions donc à Birkenau… nom vaguement connu et redouté. (…) Nous défilons alignés sur un rang devant un «médecin» SS. Tous les arrivants qui paraissent difformes, infirmes ou âgés de moins de 15 ans et de plus de 50 sont séparés des autres déportés. Je devais apprendre plus tard qu'ils avaient immédiatement été dirigés vers les chambres à gaz et le crématoire.
Les hommes jeunes et valides vont au camp de travail. Ils ne mourront pas tout de suite, mais, pour la plupart, ce n'est qu'un sursis.»

Pierre et son père parcourent à pied les 10 kilomètres qui séparent Birkenau de Monowitz.

« Ensuite vient la cérémonie du tatouage, symbole redoutable qui abolit la personnalité et le nom, transforme l'individu en matricule et le marque de façon quasi indélébile pour une fin programmée. Je m'appelle désormais «ein hundert sechsundsechzig fünfundsechzig ou sechzehn sechs hundert fünfundsechzig». J'apprends très vite cet allemand-là. C'est une question de survie».

«Je n'ai jamais eu la tentation de faire effacer ce tatouage, trace de mon passage au camp. Le tatouage, c'est une décoration reçue sans l'avoir sollicitée».

Pierre et son père sont affectés au « Kommando du terrassement à l'extérieur de l'usine de Buna. Il fait très chaud et nous travaillons dur sous le soleil de l'été continental polonais. Nous creusons une tranchée dont la terre doit être évacuée dans des wagonnets de plus en plus hauts au fur et à mesure que l'ouvrage progresse. Il faut travailler très vite sous peine d'être frappé.»

« La pause pour le déjeuner est très courte, trop courte. La soupe dite soupe de Buna est très claire: trois quarts de litre d'eau chaude avec quelques légumes qui flottent à la surface».


A la mi-juillet alors que Pierre est admis au Revier pour une diphtérie, Marcel vient lui rendre visite. «Mon père venait me voir tous les soirs après le travail. Il avait dépéri d'une façon incroyable en quelques semaines. Ses joues s'étaient creusées. Il avait vieilli et paraissait épuisé. Je vois encore son visage émacié, la peau tendue sur le vide des os, préfigurant le squelette. Il n'avait que 47 ans."»

Selon le témoignage de son fils Marcel GOLTMAN est sélectionné pour la chambre à gaz le 14 octobre 1944.

En novembre il est «admis au Schonungsblock, bloc de repos, sorte de moyen terme entre le KB et le camp, dangereux à cause de la fréquence des sélections».

Puis, après un court apprentissage, il est affecté au Kommando des maçons jusqu'à la mi-décembre.

Début janvier il entre au Revier
. « Là je reste couché à l'abri et au chaud. Personne ne s'occupe de moi. Il n'y a rien pour soigner ma pleurésie sans parler de mes autres maux. C'est alors que, annonçant la libération, a commencé l'évacuation du camp dans la nuit du 17 au 18 janvier. Rester ou partir?».


Pierre GOLTMAN n'a pas vraiment le choix dans son état.

«Je pesais moins de 35 kg pour 1,77 m, une pleurésie sèche à gauche, les mains et les pieds en partie gelés, des cuisses maigres comme de frêles bras d'enfants, avec une grosse bosse à l'endroit du genou. Je n'aurais pas survécu à l'évacuation dans l'état où j'étais. Je suis donc resté, échappant, sans le savoir alors à la Marche de la Mort, fatale à tant de camarades».

Il est libéré le 27 janvier 1945 par l'armée soviétique et emmené dans un hôpital de campagne au camp d'Auschwitz. Puis il est transféré à Prague avant d'être évacué en avion à Reichenau près du lac de Constance pour une convalescence de deux mois.

Il est de retour à Paris le 1er septembre 1945. Le 28 septembre il passe la première partie du Bac et est reçu avec mention Bien. 

Il a 18 ans et il tourne la page. "La vie est devant moi", écrit-il.

Il est «adopté par la Nation» en vertu d'un jugement rendu par le Tribunal Civil de Première Instance de la Seine le 2 juin 1948.

Le 15 octobre 1948 il épouse Irène KOTOMKIN à Paris (20ème).

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 262059), il est homologué en tant que Résistant au titre de la R.I.F. (Résistance Intérieure Française) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

La carte de Déporté Résistant N° 1.001.28842 lui est attribuée sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 8 février 1956.


Source du document ci-dessus: Archives de Paris 3595 W 39.

Pierre GOLTMAN conclut ainsi son témoignage.

" Cinquante ans après, on m'a demandé si je n'éprouvais pas un sentiment de culpabilité d'avoir survécu. Etrange question dont, tout d'abord, je n'ai pas compris, non seulement le sens, je ne le comprends toujours pas, mais les mots, le simple énoncé de la question. En effet, de quelle culpabilité s'agirait-il? Je n'ai fait que recevoir des coups sans en donner, je n'ai rien pris à personne, je n'ai pas, même avec l'excuse de la contrainte, participé à l'extermination, je n'ai bénéficié d'aucune solidarité. Sans foi religieuse ou politique, pratiquant sans doctrine une morale "puérile et honnête", j'ai simplement eu de la chance. Avec l'optimisme ou l'inconscience d'un adolescent détestant les lamentations, j'ai toujours préféré penser à la vie après le camp, fuir l'auto compassion et les pleurs sur mon propre malheur et ma mort prochaine. Serais-je coupable de survie? Le Chant des Marais promettait-il en vain qu' "un jour de notre vie, le printemps refleurirait?"

C'est au contraire une gloire d'avoir été un des grains de sable qui n'ont pas été broyés par une extraordinaire machine d'extermination, dont l'efficacité devait être absolue. Plutôt que de culpabilité, c'est un sentiment de fierté que j'éprouve.

Pour répondre à une autre question souvent posée, cette épreuve, dans la mesure où, par chance, j'ai pu la surmonter, a été positive. Elle a trempé mon caractère et son souvenir m'a soutenu dans toutes les épreuves de "la vie normale" avec l'idée que les péripéties en étaient bien anodines comparées à la possible sortie du camp par "le chemin du ciel".

Ce qui n'anéantit pas rend plus fort.


Il décède le 24 mai 2011 à Levallois-Perret (92).

Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 1864 W 1, 1580 W 8,

- Archives de la famille

- Centre de Documentation Juive Contemporaine

- Etat civil de Montreuil-sous-Bois (93) et de Néris-les-Bains (03)

- Klarsfeld Serge Liste des transferts de Moulins à Drancy du 2 juin 1944

- Klarsfeld Serge Mémorial des Enfants Juifs Déportés de France FFDJF octobre 1994

- Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 262059)

- Témoignage écrit de Pierre Goltman


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