Err

Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
  WEISS Otto Georges

Archives de la famille

Otto WEISS est né le 26 avril 1921  dans le 20ème arrondissement à Vienne (Autriche). Son père Samuel est photographe et sa mère Elise née BINDER est sans profession. Ils sont domiciliés au N° 1, Hörnegasse à Vienne (3ème).

En raison des difficultés économiques de ce pays après la Première Guerre Mondiale, la famille émigre en France à Vichy où le père s'installe comme photographe.

Photo: Archives de la famille.


Otto WEISS travaille comme ouvrier tourneur à Argenteuil (95) dans une usine de moteurs d'avions S.N.C.M.

Fin juin 1940 avec une douzaine d'amis de 18 à 21 ans, il crée à Paris un petit groupe de résistants avant l'heure «Les enfants du Marais»: pose d'affichettes gaullistes, inscriptions au minium, etc.

En avril 1941, il fait avec un ami, Alfred GOLDSTEIN, une première tentative infructueuse pour rejoindre l'Angleterre à partir de Marseille. De retour à Lyon, il participe à la distribution clandestine du journal Combat .

En février 1942, il est envoyé à Montluçon aux carrières du Diénat. A la demande de la Résistance locale, il sort de la dynamite, des détonateurs.

Il fait une deuxième tentative pour rejoindre l'Angleterre en passant par les Pyrénées cette fois, mais c'est un échec. Il revient à Montluçon où il est pris avec une fausse carte d'identité. Il est condamné à 8 jours de prison, puis au mois d'août assigné à résidence au camp de Saint-Loup qui est un dépôt de munitions et de matériel de guerre. Là il charge des munitions sur des wagons.

Le 11 novembre 1942, les Allemands envahissent la zone libre et occupent le camp de Saint-Loup. Il devient interprète et le B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignements et d'Action) lui demande de servir d'agent de renseignements: connaître la destination et le contenu des trains.

Le 2 mai 1943 son chef VALLIN est arrêté à Clermont-Ferrand. Il décide alors de quitter le camp de Saint-Loup à la hâte et entre le 23 mai 1943 au Corps-Franc de Lavoine (03) sous les ordres d'André KESPY.  Ce Corps-Franc ayant été dispersé par les G.M.R. la Milice et les Allemands, il rejoint le 15 décembre 1943 le Maquis de la Pourrière près de Châtel-Montagne. Dans ce maquis, il est plus particulièrement chargé de l'organisation des opérations de récupération d'armes et du réseau de renseignements.

Le 4 février 1944 au matin, le maquis est cerné par les GMR (Groupes Mobiles de Réserve) et la Milice. 23 hommes sont arrêtés, emmenés à la prison de Cusset, puis à la Centrale de Riom où il apprend que le maquis a été infiltré par l'ex-maquisard passé à la Milice, Georges GOUVERNEUR.

Quelques jours après le Débarquement, une tentative générale d'évasion de la prison de Riom est réprimée à coups de grenades lacrymogènes. Le 28 juin, c'est le départ en car  pour Compiègne.

Le 2 juillet 1944, il part de Compiègne dans  le convoi appelé « Le Train de la Mort» référencé N° I.240 dans le livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.

Selon le Mémorial annuaire des Français de Dachau rédigé par l'Amicale des Anciens de Dachau , «Lors d'un arrêt prolongé du train en gare de St Brice près de Reims, par temps orageux et quarante degrés à l'ombre, les wagons se sont transformés en véritables étuves…Plus de cinq cents jeunes hommes sont morts de chaleur, de manque d'eau, d'asphyxie. L'atmosphère (…) a été génératrice de délire et de folie collective, entraînant des scènes d'horreur.

La responsabilité en incombe aux S.S.de la garde. Au moment où la situation devenait intenable, malgré les appels de détresse des détenus, les S.S. ont refusé d'ouvrir les portes, d'aérer les wagons et de distribuer de l'eau, ce qui eut sauvé les mourants.

Il ne s'agit, en la circonstance, ni d'une«bavure» ni d'un accident, mais essentiellement d'une action entrant dans le cadre de «l'entreprise générale et délibérée d'élimination des ennemis du Reich, de caractère authentiquement criminel».

Les corps des 519 victimes recensées sont transférés directement au crématoire.


   Source des documents ci-dessus: Allach Kommando de Dachau Amicale des Anciens de Dachau Jouve mai 1985.

Quant à Otto WEISS il  reçoit le matricule N° 77929 et est affecté au Block 22. Au bout d'un mois il est transféré au Kommando de Neckarelz.

Neckarelz: Kommando du KL Natzweiler. Situé près de Mannheim. Pendant la période transitoire, c'est-à-dire de début septembre jusqu'au 23 novembre 1944, le camp annexe de Neckarelz I, qui, avec Neckarelz II, est le plus grand des Kommandos extérieurs de la région, fonctionne comme siège régional de l'administration centrale restée au Struthof. Neckarelz est l'organe exécutif dans plusieurs domaines, par exemple, en ce qui concerne le déplacement de détenus entre les différents Kommandos extérieurs. Le 21 mars 1944 arrivent les 500 premiers détenus. On les loge dans l'école primaire de Neckarelz qui devient ainsi le premier camp de Neckarelz. Lorsque le nombre des détenus dépasse la capacité de ce « camp » qui est d'environ 1000 personnes, on crée un deuxième camp auprès de l'ancienne gare de Neckarelz. A partir de ce moment, l'école est désignée comme Neckarelz I et l'autre camp comme Neckarelz II. Officiellement, on réussit à y loger 2944 (fin septembre 1944) et 2841 (fin octobre 1944) détenus. Presque tous travaillent sur les chantiers des mines d'Obrigheim.
Source: Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.


Puis il est transféré au Kommando de Neckargerach où il fait du terrassement et charge des bennes.

Neckargerach: Kommando du KL Natzweiler. Il est mentionné pour la première fois le 27 avril 1944, et compte déjà 900 détenus début mai 1944, 1250 et plus à partir de mi-mai et jusqu'à septembre 1944. La majorité travaille dans les mines ou dans les environs d'Obrigheim. A partir de l'automne 1944, Neckargerach sert en partie comme camp de malades pour les camps du Neckar. Il est situé près de Mannheim.
Source: Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.


Le 1er avril 1945, il est libéré à Osterburken par les Américains. Il est rapatrié le 25 avril 1945 et passe par l'Hôtel Lutétia.


Source des documents ci-dessus: AFMD 75.

Le 20 août 1946 il épouse Alice JONARD à Châtel-Montagne (03). Ce mariage est dissous le 23 mars 1978.

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 602213), il est homologué en tant que  Résistant au titre des F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur).

La carte de Déporté Résistant N°1.001.25558  lui est attribuée sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du 3 juin 1955 et la carte de Combattant Volontaire de la Résistance le 27 décembre 1955.

Archives de la famille Archives de la famille

Source: Archives de la famille.

Lui sont également attribuées

- La Légion d'Honneur

- La Médaille Militaire

- La Croix du Combattant Volontaire de la Résistance.

Archives de la famille

Photo: Archives de la famille.


Le 17 novembre 1978 il épouse en secondes noces  Huguette BOUCHER à Paris (1er).

Il décède le 25 mai 2012 à Paris (4ème).

A l'initiative de son épouse Huguette, le samedi 31 mai 2014, hommage est rendu à Otto Georges WEISS par l'apposition d'une plaque sur la stèle de la Pourière en présence d'une quarantaine de personnes, famille, amis, autorités et porte-drapeaux. La cérémonie était organisée par l'association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier avec le concours financier de la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.

- www.defense.gouv.fr/memoire
- www.defense.gouv.fr/educadef
- www.cheminsdememoire.gouv.fr
- www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

Texte du discours de son fils Claude.

Papa, Otto Georges WEISS, en ce jour du 31 mai, nous tes enfants, petits-enfants, tes connaissances et surtout ta femme Huguette, souhaitons te rendre hommage pour toutes les actions que tu as menées au cours de cette douloureuse période entre 1939 et 1945.

Dans le maquis, tu étais plus connu sous le pseudonyme de Serge et parfois avec le surnom de Zazou.

Nous souhaitons aussi rendre hommage à tous ces combattants de l’ombre, à tous ces maquisards  qui n’ont pas hésité à combattre la barbarie nazie bien souvent au détriment de leur vie, sans oublier tous ces paysans assassinés par la milice et les SS notamment tous ceux d’un village, celui des Brizolles, village mis à feu et à sang. Ce qui n’a pas empêché notre grand père Michel JONARD, paysan à Charasse de cacher chez lui des armes appartenant aux maquisards  et de les aider en partageant ses récoltes. Notre grand père avait deux filles. Notre père épousa en première noce Alice JONARD à la Libération, malheureusement décédée.

C’est en ce lieudit la Pourière, ici, sur cette terre que nous foulons de nos pieds ce jour que notre père ainsi que 22 autres hommes du maquis ont été arrêtés le 4 février 1944 par une centaine de GMR (Groupes Mobiles de Réserve) et une dizaine de miliciens sur trahison du milicien infiltré Georges GOUVERNEUR dont le pseudonyme était JO dans le maquis.

Je ne vais pas faire une biographie de notre père, biographie que vous pourriez trouver d’une façon succincte sur les sites internet  www.afmd-allier.com et www.memorist.org, mais simplement essayer de vous faire partager en résumé les périodes de sa vie qui ont précédé et suivi cette date du 4 février 1944, soit du 11 septembre 1942 au 30 avril 1945.

Ce 11 septembre 1942, après avoir passé 15 jours en prison suite à une arrestation en gare de Montluçon, notre père arriva sur le lieu de travail qui lui avait été imposé « le dépôt de munitions de Saint Loup ».

Son travail consistait à décharger les wagons des milliers d’obus de tous calibres, des milliers de caisses de munitions. Un jour notre père reçut un colis accompagné d’une lettre, la lettre jointe lue par l’officier, comme il était de rigueur, eut un effet curieux sur le lieutenant en charge du dépôt de munitions.

Suite à cette lettre, le lieutenant lui demande s’il voulait s’occuper de la bibliothèque du dépôt, ce que notre père accepte avec plaisir. Il y avait plusieurs milliers de livres à répertorier. Pour faire ce travail, on lui octroya une secrétaire qui devait taper les fiches à la machine à écrire. Celle-ci se rendit compte qu’il connaissait l’anglais et l’allemand et en fit part au Colonel Pernot qui demanda de traduire des documents de français en allemand. C’est ainsi que le commandant  du camp (Schmidt) demanda à notre père de l’aider dans le travail d’inventaire de stocks.

Pendant 2 mois, il parcourut donc sous la houlette de deux sous-officiers artificiers les 12 hangars  de munitions et une vingtaine de locaux souterrains où il fallut tout dénombrer et tout traduire.

Or le jour où il commençait ce travail, il rencontra par hasard  un lieutenant français qui lui avait déjà témoigné de la sympathie. Celui-ci avait dit : « Allez voir l’adjudant Paul VALLIN, il sera heureux de discuter avec vous ». Le soir même, Vallin lui dit qu’il se trouvait dans une position qui intéressait les services de renseignement alliés et qu’il devait pouvoir apporter des informations importantes.

Notre père avait une excellente mémoire, il pouvait apprendre par cœur une page complète de mots et de chiffres clés en ne la lisant qu’une seule fois sans prendre une seule note et de rapporter les clés déchiffrées, un, voire plusieurs jours après. Il rapportait à Vallin, chaque soir, tous les mouvements ferroviaires, les contenus des wagons et les distinctions codées. Les anglais devaient, d’après Vallin, bombarder tout le réseau ferré européen, il apportait donc des objectifs utiles et précis.

Un groupe de résistants s’était formé dans la région mi-février 1943 composé de réfractaires au STO. Il y avait des stocks de munitions pour armes légères dans les hangars et notamment des balles de revolver 7,65 ainsi que des balles 8mm pour les fusils Lebel et MAS 38. Tous les jours il prenait son vélo, remplissait la sacoche et apportait sa cargaison à deux camarades BARON et LARTIGUES  qui encadraient un groupe de maquisards.

Le 30 avril Vallin fut arrêté à Clermont Ferrand.  Notre père qui se sentait surveillé depuis le 15 avril brusqua son départ. Le 3 mai 1943, le soir, il alla au rendez vous qu’il avait avec le chef de la résistance, lequel lui donna des instructions pour rejoindre le maquis. Une fois arrivé dans le village de Chargueraud, après être passé par Cusset, le Mayet-de-Montagne et Châtel-Montage, il trouva la maison du passeur et un jeune homme au pseudo de Moustique le conduisit dans son premier maquis, celui du Châtel-Montagne ; puis dans celui des Ronons à côté d’Arfeuilles.

Il ira ensuite dans celui des Bois Noirs et enfin dans celui de la Pourière. Il partagera avec ses camarades maquisards, Julien Charpentier dit Toto, Raymond Moncorgé dit Mataf, Paul Champeau dit Hilarus et Roger Kespy dit Mesmin ou capitaine Favart, nombre d’aventures.  Kespy qui avait fondé le 1er maquis du Bourbonnais en mars 1943 était secondé par un ingénieur des Ponts et Chaussées nommé Mercier.

Kespy fut assassiné le 25 juillet 1944 par les miliciens de Pétain et Darnand.

Quant à Mercier, il fut préfet à la Libération.

Voici comment se sont déroulées les dernières 48h avant le 4 février 1944.

Sa dernière aventure fut d’être accompagné par Georges Gouverneur dit JO à Saint-Germain-des-Fossés. Sa mission consistait à rencontrer un haut responsable de la Résistance, seul, sans Jo, pour le sabotage du parc de locomotives qui se trouvaient sous les hangars. Pour cela, notre père était parti de bonne heure de l’hôtel  où ils dormaient Jo et lui pour être seul avec son interlocuteur.

Jo arriva bien après que l’entretien ait eu lieu et sembla très mécontent de ne pas avoir été présent à l’entrevue. Jo était pressé,  ils prirent le train pour Vichy et en arrivant Jo lui dit : « RDV au café Cambrinus, je vais aller voir ma mère ».

Notre père n’avait pas envie de rentrer dans ce café, il était resté au coin de la rue. Soudain il  aperçut une voiture Mercedes à roues jaunes suivie d’une traction avant d’où jaillirent une dizaine d’individus en imperméables typiques.

En même temps il vit arriver d’un pas nonchalant Jo qui regardait de loin la devanture derrière laquelle il était censé se trouver. Notre père sortit de son recoin et attrapa Jo par un bras en l’entrainant le plus loin possible alors que la Milice et la Gestapo fouillaient le Cambrinus. Jo  était interloqué et se laissait tirer sans mot dire. Jo le remercia beaucoup de l’avoir sauvé. Ils allèrent à Cusset pour prendre le tacot du Mayet-de-Montagne. L’idée semblait très bonne à Jo. Il fallait attendre 2 heures le train. Jo dit qu’il pourrait profiter du temps pour faire quelques courses.

Le tacot faisait un aller retour par jour, de Cusset à Lavoine, en passant par le Mayet-de-Montagne, Ferrières-sur-Sichon, de sinistre réputation, car la Milice avait son siège régional de tortures.

Notre père vit de loin que JO était en discussion avec un individu. Il sauta dans le wagon de queue juste avant le départ, puis vit Jo monter tranquillement. Dans le train, il vint s’asseoir à côté de Jo, puis alla dans le couloir. A ce moment, une jeune fille se leva à moitié et lui dit « Vous êtes maquisards, faites attention, j’ai vu dans le train le chef de la Milice Fradin ». Notre père resta sur ses gardes, vit 2 gendarmes monter au Mayet-de-Montagne et alla frapper sur l’épaule de Jo, puis se précipita vers la plateforme et sauta à contrevoie et courut pendant 10km jusqu’au cantonnement. A bout de souffle, il raconta son aventure à Toto (Julien Charpentier).

Comme Gouverneur « dit Jo » n’arrivait pas, le groupe de maquisards décida d’aller le délivrer à la gendarmerie du Mayet. Ils entrèrent en arme dans la gendarmerie, sortirent les gendarmes en caleçon, car ils étaient  déjà couchés. Sur ce, le brigadier demanda ce qu’ils voulaient. Quand ils lui dire qu’ils recherchaient  Gouverneur, celui-ci leur dit qu’il n’était pas là, mais peut être avec Fradin car, selon lui, il était au mieux avec la Milice du coin. Les maquisards rentrèrent vermoulus de fatigue au cantonnement. Puis à l’aube, ils entendirent des bruits et des cris « Vous êtes encerclés, sortez tous sans armes sinon nous faisons feu ». A leur stupéfaction, le chef des GMR fit un appel nominatif sans Gouverneur. C’était bien un milicien infiltré.

Notre père avait par deux fois échappé à la Milice et à la Gestapo au Cabrinus à Vichy, puis au Mayet- de-Montagne, alors que lui pensait sauver Gouverneur.

Pour avoir plus d’informations sur Gouverneur, vous pourrez lire dans le journal « Le patriote » du 21 février 1947, histoire d’un traitre écrit par Paul Champeau qui était professeur de grec et de latin.

Ce 4 février 1944, tous les maquisards furent rassemblés dans un camion. Comme notre père en avait l’habitude, il composa une chanson de circonstance « Nous voilà 23 sous le coup des lois, des décrets de la France allemande ».

La première étape fut la prison de Cusset, puis le lendemain la prison de Riom dans deux camions cellulaires (Puy-de-Dôme). La cellule qu’il occupa pendant trois jours mesurait 3mx3m. Il apprit que celle ci avait été le logement temporaire du général Gamelin, chef suprême des armées françaises en 1939/1940.

Son interrogatoire ne fut guère pénible, les inspecteurs lui demandèrent de valider les accusations qui relataient fidèlement les activités du maquis.

Dès le lendemain, il retrouva ses camarades dans une immense pièce qui lui rappelait son emprisonnement 18 mois plus tôt à Montluçon.

Du 6 février jusqu’en juin 1944, il resta prisonnier à Riom. Pendant cette période, il composa des chansons et écrivit des poèmes. Une de ses chansons était très appréciée des résistants, elle s’intitulait « Souvenez-vous, camarades ». Il l’avait écrite le 31 décembre 1943 sur une musique d’un film tiré d’un roman d’Erich Maria Remarque « Après ».

Les prisonniers tentèrent une grande évasion lorsqu’ils apprirent le débarquement des Anglo Américains le 6 juin 1944. Ils furent maitres de la prison durant 48 heures mais seulement des locaux internes. Les GMR tirèrent à balles réelles. Il y eut des morts et des blessés.  Jean Zay, l’ancien ministre, était aussi prisonnier, il avait une grande carte de l’Europe fixée au mur. Ses épingles marquaient la position des armées. Il avait le privilège de recevoir des journaux et aussi de recevoir sa femme.

Par la suite, la Milice l’a fait extraire de la prison de Riom, l’a torturé puis assassiné. Notre père a peut être été le dernier des résistants à l’avoir vu vivant.

Le 22 juin 1944 à l’aube, un groupe de SS pénétra en aboyant des « Raoust Schnell » à profusion. Puis le 23 juin 1944, ils arrivèrent dans le camp de concentration de Compiègne après un voyage dans des conditions très pénibles. A Compiègne, ils furent répartis dans les bâtiments constituant la section C.

Le 2 juillet au matin, les SS les firent se lever avec la brutalité habituelle pour les emmener au train de marchandises qui les attendait portes ouvertes.

Le commandant SS fit un discours. « Vous embarquerez dans ce train, vous allez recevoir chacun un pain et de la charcuterie, mais en cas de tentative d’évasion, tous ceux qui partagent votre wagon seront abattus, fusillés ».

Les portes furent plombées, les fenêtres grillagées ou obstruées. Il y avait environ une trentaine de wagons avec cent personnes à l’intérieur. Ils durent s’asseoir de telle façon que chacun était emboité dans les jambes de l’autre.

Dans son wagon, il y avait deux Républicains Espagnols qui avaient déjà voyagé dans d’aussi affreuses conditions. Ils leur dirent de ne pas parler, de respirer lentement, de ne pas paniquer.

Après des heures de ce voyage infernal, notre père commençait à s’évanouir. Paul Champeau le gifla, ce qui lui permit de revenir à la vie. Il faisait très chaud. Heureusement, il commença à pleuvoir très fort, ce qui leur permit de s’abreuver avec l’eau qui coulait par les fissures et de rester en vie. Enfin le train s’arrêta, les portes s’ouvrirent, il vit une pancarte «  Dachau » . Ils descendirent sous les aboiements habituels. Devant eux, s’ouvrait un énorme porche avec un immense écriteau « Arbeit macht frei », ce qui signifiait « Le travail rend libre ».

Ils étaient moins nombreux, beaucoup moins qu’au départ. Par la suite, il apprit qu’il avait voyagé dans l’un des deux seuls wagons où personne n’avait succombé durant cet interminable trajet qui avait duré 4 jours du 2 juillet au 5 juillet 1944. On dénombrera 519 victimes qui furent directement transférées dans les fours crématoires.

Ce train sera surnommé le Train de la Mort, récit relaté dans un livre écrit par Christian BERNADAC « Le train de la mort ». C’était le convoi 7909, le dernier convoi à destination de Dachau. Notre père avait le matricule 77929.

Le 20 juillet, ils apprirent l’attentat contre Hitler. Ce jour là, ils furent transférés dans les camps du NECKAR pour travailler dans les mines et les usines où  se fabriquaient des avions. Puis un jour de mars, on le transféra du camp 2 tout près de la mine-usine jusqu’au camp de NECKARGERACH. Il y rejoint ses camarades survivants du maquis de la Pourière et de la prison de Riom, tout du moins le peu qu’il en restait.

A  la mi-mars, ils étaient cantonnés dans leur baraque, complètement nus. Il faisait très froid cet hiver 1945, les avions anglais survolèrent le camp et une bombe tomba sur la baraque juste sur le poêle qui s’enfonça  d’un demi-mètre. C’était le seul petit espace où il n’y avait personne. Notre père était à 2m du point de chute.

Peu de jours après, on les réunit dans la cour du camp et il leur fut distribué des costumes de bagnards, calots compris mais pas de chaussures.

Le 30 mars 1945, on les chargea dans un train à wagons-plateaux, le train partit lentement, fit plusieurs aller-retour sous les bombardements puis s’arrêta définitivement sur une voie de garage dans un ravin.

Le 1er avril 1945, il prit le risque de sortir. Après avoir partagé et mangé un escargot avec son ami Paul Champeau, ils se hissèrent sur le talus et se dirigèrent vers la ville, la ville d’Osterburken dans le Bade. Il sera suivi par plusieurs autres déportés. Il rejoindra les troupes américaines et sera interprète allemand-anglais-français.

Le 16 avril 1945, il sera remis aux Forces Françaises et transféré à l’hôpital de Spire pour repos.

Le 30 avril, il arrivera à l’Hôtel Lutetia à Paris, puis retrouvera sa famille le 1er mai.

Après ces terribles épreuves, il se demanda dans quel monde il vivait. Il lui fallut des années avant qu’il reparle de cette guerre atroce.

Aujourd’hui il repose au cimetière de Montparnasse à Paris. J’espère que son esprit est en paix.

 


Sources:

- Archives Départementales de l'Allier 766 W 8  N° 608/1942, 778 W 12 249.02,

- Archives de la famille

- Archives de Paul Champeau

- Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives

- Entretien de l'AFMD de l'Allier avec Otto Georges WEISS

- Etat civil de Paris (4ème) et de Vienne (Autriche) transmis par le Ministère des Affaires Etrangères

La Tribune de l'Histoire N° 6 2ème trimestre 2004  B.C.R.A.  "Mission sans nom de code"

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

- Mémorial annuaire des Français de Dachau Amicale des Anciens de Dachau 1987

- Sérézat André  Et les Bourbonnais se levèrent Editions  CRÉER  1986

- Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 602213)

©  AFMD de l'Allier