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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 
LABUSSIÈRE Antoine
 
Archives de la famille

est né le 27 mai 1868 au domicile de ses parents au bourg de Chevagnes (03). Son père Nazaire est facteur rural et sa mère Pierrette née MILLIEN est marchande d'épicerie.

Incorporé le 12 novembre 1889 il est affecté au 16ème Régiment de Dragons, puis au 6ème Escadron du Train. Il est démobilisé le 19 novembre 1892.

 Photo: Archives de la famille.
Il exerce la profession de cocher à Paris quand il épouse Joséphine BOITARD le 5 avril 1910 à Paris (16ème).
 
Joséphine est née le 27 mai 1873 à Mareil-sur-Loir (72). Son père Jean et sa mère Rose née COUALLIER sont agriculteurs.

Antoine et Joséphine vont ensuite tenir un restaurant au 84, Grande Rue à Montrouge (92).

Henriette, Antoine et Joséphine. Archives de la famille.

Archives de la famille
 
Ils ont une fille Henriette Joséphine Rose née le 29 septembre 1911 au domicile de ses parents à Montrouge (92).
 

Henriette LABUSSIÈRE obtient son certificat d'études à Paris, puis poursuit ses études au cours complémentaire de La Flèche (72) où elle est reçue au brevet élémentaire le 22 juillet 1927.

Après avoir sollicité en décembre 1929 la possibilité de faire des remplacements d'institutrice dans la Sarthe elle effectue une première suppléance à Fontenay-sur-Vègre de janvier à avril 1930, puis dans d'autres communes de la Sarthe.

Ayant obtenu le C.E.P. (Certificat d'Aptitude Pédagogique) elle est affectée à l'école de filles de Tresson.

Le 14 septembre 1936 elle est nommée à l'école de filles de Vion à 25 km de ses parents qui ont pris leur retraite à Clermont-Créans dans la Sarthe d'où est originaire Joséphine.
 
Archives de la famille

 Elle entre au réseau "Buckmaster"  circuit "Sacristain" créé en juin 1943 et, en tant que membre du réseau d'évasion «Shelbury», elle recueille des aviateurs américains et anglais, en particulier 3 survivants du B 17 N° 42.5792 de l'US Air Force abattu le 4 juillet 1943. Henriette les conduit à bicyclette au domicile de ses parents où ils restent cachés jusqu'à leur départ pour Poitiers.

Document ci-contre: Carte d'adhérent à l'Amicale du réseau «Shelbury». Archives de la famille

 
Antoine et Joséphine LABUSSIÈRE sont arrêtés le 16 décembre 1943. Quant à Henriette, elle est arrêtée par la Gestapo d'Angers le 17 décembre à 11 h 45, fidèle à elle-même, fidèle à son poste, c'est-à-dire devant ses élèves. Elle est internée à Angers avant d'être transférée à Compiègne.
 
Note: Sur les 32 membres des réseaux ayant participé au sauvetage des survivants du B17 abattu le 4 juillet 1943, 21 sont déportés et 13 sont morts dans les camps nazis.
 
 
Antoine LABUSSIÈRE est l'un des 1584 hommes déportés de Compiègne par le convoi N°I.173 le 27 janvier 1944 et arrive le 29 à Buchenwald où il reçoit le numéro 43996. Comme un certain nombre de personnes âgées (il a 75 ans), il y reste jusqu'à la fin et est rapatrié le 29 avril 1945.
 
Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 326260),  il est homologué en tant que Résistant au titre  des F.F.C. (Forces Françaises Combattantes) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

La carte de Déporté résistant N° 1.011.34547 lui est attribuée sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du  3 septembre 1963.
 
Source: Office National des Anciens Combattants du Puy-de-Dôme.

Joséphine LABUSSIÈRE est internée au Fort de Romainville.
 

Le Fort de Romainville

Ce fort militaire est situé sur la commune des Lilas en Seine-Saint-Denis au nord-est de Paris. Il accueille d'abord des prisonniers de guerre et des otages, dont certains seront fusillés au Mont-Valérien. Puis à partir de 1943 il devient l'antichambre de la déportation avant de servir de prison pour femmes en 1944.

Photographie, prise à la Libération, des casemates où étaient enfermés des détenus. Source: Les oubliés de Romainville un camp allemand en France (1940-1944) par Thomas Fontaine Editions Taillandier mai 2005

 
Le 14 juin 1944 elle fait partie d'un petit convoi de 51 femmes déportées de Paris gare de l'Est au camp de Neue Bremm près de Sarrebruck dans le convoi N° I.227. Le 23 juin elle est transférée à Ravensbrück où elle arrive le 25. Elle y reçoit le matricule N° 43195. Elle décède le 25 août 1944 à Ravensbrück selon l'état civil de Mareil-sur-Loir et le JO N° 91 du 16 avril 1992.

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 68504),  elle est homologuée en tant que Résistante au titre des F.F.C. (Forces Françaises Combattantes) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

La carte de Déportée Résistante N° 2.011.34546 lui est attribuée à titre posthume sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du  3 septembre 1963.


 
Source du document ci-dessus: Office National des Anciens Combattants du Puy-de-Dôme.

Quant à Henriette LABUSSIÈRE elle part le 31 janvier 1944 de Compiègne dans  le convoi N°I.175 qui emmène 959 femmes  à Ravensbrück où elle arrive le 2 février. Elle reçoit le matricule N° 27734. Au bout de 4 mois elle est transférée au Kommando d'Hanovre, un petit camp situé à côté d'une usine de fabrication de caoutchouc synthétique.
 
Hannover-Limmer: Kommando du KL Neuengamme.
Ce Kommando de femmes, situé à l'ouest de la ville et ouvert en juin 1944, travaille pour les entreprises Continental Gummi-Werke à la fabrication de masques à gaz. Il emploie plus de 1000 personnes.
Source: Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
 

Elle y fabrique des masques à gaz 12 heures par jour ou par nuit sans oublier le temps interminable passé aux appels ou à décharger des wagons.

Le 7 avril 1945, le camp est évacué à pied. Le voyage dure plusieurs jours dans le froid, la boue et la pluie. Celles qui ne peuvent pas suivre sont abattues sur place.

A l'arrivée à Bergen Belsen c'est l'horreur absolue! Suite à une épidémie de typhus des milliers de cadavres jonchent le sol! Elle-même est atteinte par cette maladie, comme l'atteste la Liste des femmes hospitalisées à l'Hôpital Glyn-Hughes VI.B.


Source du document ci-dessus: Service International de Recherche d'Arolsen 1.1.3.1 / 3396482.

Le 15 avril le camp est libéré par les troupes du général Montgomery. Henriette LABUSSIÈRE est rapatriée le 3 juin 1945.


 
Archives de la famille Archives de la famille
 
 Le 26 janvier 1946 elle épouse Jean LABUSSIÈRE à Diou (03).
 
Selon les archives de l'Inspection Académique de la Sarthe, «A son retour de déportation elle sera dans l'incapacité de reprendre son activité professionnelle et prendra une retraite pour invalidité à compter du 1er janvier 1956».
 
Son père Antoine LABUSSIÈRE décède à Diou (03) le 1er mars 1951 selon l'état civil de Chevagnes.
 
 
Archives de la famille DIAC Clermont-Ferrand

Document de gauche: Elle adhère à l'Association des Déportées et Internées de la Résistance dont la présidente est Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ. Source: Archives de la famille.

Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 326265),  elle est homologuée en tant que Résistante au titre  des F.F.C. (Forces Françaises Combattantes) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

Document de droite: La carte de Déporté Résistant N° 2.011.3454? est attribuée à Henriette LABUSSIÈRE sur décision du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en date du  22 juin 1951. Source: Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand.
 

Henriette LABUSSIÈRE a écrit en 1946-1947 le récit de sa déportation.

En voici des extraits dont les titres ont été attribués par l'AFMD de l'Allier.
 

L'esclavage

«Avant de quitter le camp pour le transport on assistait à une sorte de marché aux esclaves. Nos seigneurs et maîtres nous regardaient défiler, toujours dans le plus simple costume, et tels ces maquignons qui d'un coup d'œil estiment la valeur d'une bête, nos négriers décidaient de notre aptitude au travail, visite toute superficielle qui laissait passer des femmes fatiguées ou malades incapables de fournir un travail pénible».
 

La faim

«Lorsque pour la première fois nous vîmes à Ravensbrück des femmes fouiller les boîtes à ordures, en retirer d'infâmes déchets, les avaler gloutonnement, nous nous demandâmes si nous avions affaire à des humains. Au bout de quelques mois nous avions compris. Nous souffrions de la faim à un point tel que nous ne vivions plus que pour la distribution de la soupe».
 

Les mauvais traitements

«Les coups constituaient le châtiment le plus couramment employé. Des gifles magistrales pleuvaient sur nous pour un silence rompu, pour un objet défendu trouvé lors d'une fouille (et Dieu sait si elles étaient nombreuses, ces fouilles) pour un travail mal fait ou un ordre trop lentement exécuté. Une punition collective consistait à nous faire rester debout 2 ou 3 heures après le travail. C'était la plupart du temps pour une faute insignifiante, pour avoir manifesté oh! sans bruit, par des larmes, notre sympathie à une camarade frappée sauvagement, pour être parties avant un signal donné, pour n'avoir pas marché dans l'eau avec des chaussures percées et avoir ainsi rompu le bon alignement des rangs en passant devant sa chef».
 

La foi et le patriotisme

«La vie d'abrutissement qu'on nous imposait ne vint pas à bout de notre moral, nous sûmes conserver vivaces nos sentiments religieux et patriotiques et notre sens de l'humour. Aucun règlement ne put nous empêcher de célébrer chaque dimanche et jour de fête une messe sans prêtre. (…) Les fêtes nationales françaises et alliées n'étaient pas oubliées. Et dans les chambres hermétiquement closes nous entonnions les chants patriotiques, les hymnes nationaux, que nous connaissions».
 

L'affirmation de sa féminité comme forme de résistance

« Et pourtant nous vécûmes, nous tînmes bon, nous tînmes même tête dans la mesure du possible évidemment. Nous continuions la résistance à notre façon. Nous portions quand même des ceintures (et ce qui est mieux, nous les fabriquions avec le caoutchouc de l'usine) nous faisions quand même des plis à nos robes, nous frisions quand même nos cheveux, chacune s'efforçait de conserver son originalité, sa personnalité».

 
Henriette LABUSSIÈRE décède à Bourbon-Lancy (71) le 27 janvier 2002.
 
 

Sources:

- Archives de la famille

- Archives de la FNDIRP de la Sarthe

- Archives de l'Inspection Académique de la Sarthe

- Direction Interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand

- Etat civil de Chevagnes (03), de Mareil-sur-Loir (72), de Montrouge (92) et de Paris (16ème)

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

-Mémorial des Français Déportés à Neuengamme Amicale de Neuengamme

- Office Départemental des Anciens Combattants de l'Allier

- Service Historique de la Défense (Dossiers GR 16 P 326260, GR 16 P 68504 et GR 16 P 326265)

- Service International de Recherche d'Arolsen 1.1.3.1 / 3396482.
 
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