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Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l'Allier
 

PFISTER née DEGOUL Marie Francine

Nous sommes à la recherche d'une copie de sa carte de Déportée. Nous contacter: afmddelallier@orange.fr

Archives de la famille

est née le 13 septembre 1903 au N° 3, rue des Colonies à Lorient (56). Son père Jules est rentier et sa mère Alexandrine née CADIC est sans profession.

Le 7 mai 1923 à Lorient elle épouse Georges PFISTER, alors capitaine à l'Etat-major au groupe de subdivision N° 1, Chevalier de la Légion d'Honneur et Croix de Guerre.

Source de la photo: Archives de la famille.


En 1944 Georges et Marie PFISTER  sont domiciliés à Bellerive-sur-Allier (03) dans la banlieue de Vichy. Le lieutenant-colonel PFISTER est le chef de l'ORA (Organisation de Résistance de l'Armée) pour la région sud-est. Quant à son épouse Marie sous le pseudonyme de "Fanny", elle "devient à partir de juin 1943 la "plaque tournante" de l'ORA à Vichy, contrôlant directement sept agents de liaison, tous militaires". Source: "Les prisonniers de guerre, Vichy et la Résistance 1940-1945" de Jean Védrine.

Organisation de Résistance de l'Armée
A l'origine organisation de cadres officiers et sous-officiers, l'ORA a recruté ses effectifs surtout parmi les démobilisés de l'Armée d'Armistice répondant à l'appel de leurs anciens officiers, parmi les Chantiers de Jeunesse, les saint-cyriens chassés de l'école d'Aix-en-Provence ou des étudiants candidats à Saint-Cyr.
Militaire, se voulant apolitique, dûment hiérarchisée avec un général à sa tête et des commandements régionaux, elle est très soucieuse de conserver son autonomie et s'oppose à l'action immédiate, se préparant pour le jour J.
Etiquetée vichyste, puis giraudiste, l'ORA doit surmonter les préventions des mouvements, mais sa progressive extension dans les deux zones lui permet d'être prise en considération.
Source: Dictionnaire Historique de la Résistance sous la direction de François Marcot.

Le 29 mars 1944 vers 19 heures Marie PFISTER se rend en bicyclette à Vichy devant le Pavillon Sévigné où elle a rendez-vous avec des agents de liaison de l'organisation, à qui elle doit remettre des télégrammes pour Londres. Elle y est arrêtée ainsi que les 2 agents, Marcel PELTIER et Jacques FAYARD , par  Jean Vernière et Georges Mathieu, 2 agents de la Gestapo française de Clermont-Ferrand.

Transférés à l'Hôtel du Portugal, siège de la Gestapo de Vichy, puis au siège de la Gestapo à Royat (63), ils sont ensuite internés à la prison du 92ème à Clermont-Ferrand (63).

Le lendemain elle subit un violent passage à tabac  à la Gestapo.

Le 30 avril elle est transférée au Fort de Romainville.

« Nous arrivons par la porte des Lilas au Fort de Romainville, devenu prison civile. Après la mise en écrou, où chacune défile pour donner son nom et son sac, nous sommes dirigées sur les casemates. Quelle horreur! Un trou sombre, très grand, avec une petite fenêtre à barreaux, des paillasses infectes pleines de bêtes et un trou au milieu comme WC. Le tout dégage une odeur effroyable. Nous sommes atterrées». Source : Matricule N° 38971



Le Fort de Romainville

Ce fort militaire est situé sur la commune des Lilas en Seine-Saint-Denis au nord-est de Paris. Il accueille d'abord des prisonniers de guerre et des otages, dont certains seront fusillés au Mont-Valérien. Puis à partir de 1943 il devient l'antichambre de la déportation avant de servir de prison pour femmes en 1944.

Photographie, prise à la Libération, des casemates où étaient enfermés des détenus. Source: Les oubliés de Romainville un camp allemand en France (1940-1944) par Thomas Fontaine Editions Taillandier mai 2005


Le 13 mai 1944 elle fait partie des 567 femmes qui sont déportées de Paris gare de l'Est à Ravensbrück où elle arrive le 18 dans le convoi N° I.212. Elle raconte son arrivée à Ravensbrück.

«Dans la nuit du 18, réveil en sursaut. Cris, rugissements, aboiements. Les portes des deux côtés roulent sur leurs gonds, nous sommes jetées hors de nos wagons, dans une frayeur sans nom, une pagaille affolante. A coups de trique, de cravache, sous la menace des chiens, le tout éclairé par des torches. Et pour la première fois nous sommes rangées cinq par cinq.

Il nous faut marcher dans le noir pendant plusieurs kilomètres, encadrées par des SS en armes, qui battent sans pitié celles qui trébuchent. Nos vieilles suivent avec peine. Nous les tirons pour leur éviter les coups. (…)

Brusquement, à un détour, nous voyons au bout de la route des lumières éblouissantes. Des projecteurs nous font passer sans transition des ténèbres à une intense clarté». Source: Matricule N° 38971


Marie PFISTER devient le matricule N° 38971 et passe la quarantaine au Block 15. Appels sans fin, surpopulation dans les blocks, visites médicales humiliantes.

« Le troisième jour on nous annonce une inspection des dents au Revier. On nous fait mettre nues dans une cour où, pendant des heures, nous attendrons le moment d'aller ouvrir la bouche devant un médecin allemand entouré d'un état-major de blouses blanches».

«Le lendemain nous passons une visite vaginale tout habillées où le même doigt, jamais désinfecté nous examinera. Il paraît que l'on a découvert à cet endroit des bijoux cachés». (Ibidem).

En tant qu'épouse d'officier elle ne veut pas travailler dans une usine d'armement et entre au «Schneiderei I» à une table de boutons: «Il faut en coudre sept cent cinquante par douze heures de jour ou de nuit. Si la tâche n'est pas faite nous sommes battues». ( Ibidem).

Puis elle entre «dans un autre atelier, à la réparation des chaussettes neuves ayant des défauts de fabrication».

Le 13 septembre, atteinte de la typhoïde, elle entre au Revier, l'Infirmerie qui ressemble à l'Enfer de Dante. «Des squelettes râlent sur des lits. Des morts ont empilés sous une table et semblent garder une rangée de seaux dits hygiéniques, et qui sont en réalité des espèces de lessiveuses sans couvercle, et pleines pour la plupart. (…) Toute la nuit, des moribondes de tous les pays appellent à l'aide dans leur langue. D'étranges glouglous nous apprennent qu'à côté de nous, au-dessus ou au-dessous, une d'entre nous se sera enfin …évadée. La mort ne fait pas beaucoup de bruit à Ravensbrück, seuls les bourreaux ont le droit de crier». (Ibidem).

De retour au Block elle reprend le travail au Betriebe III pour travailler sur une chaîne de vestes rayées pour les déportés, puis au Bekleidung, un camp de triage d'objets hétéroclites.

Le 20 mars elle quitte le camp avec ses camarades pour aller à la gare de Furstenberg. Elles prennent un train qui va errer: Berlin, Stettin, Leipzig, Dresde pour arriver à Leitmeritz. Dans ce camp elle entre au Revier où, une fois guérie, elle reste comme femme de ménage pour faire toutes les corvées.

Les Allemands ayant abandonné le camp  face à l'arrivée des troupes soviétiques, elle va se débrouiller pour rentrer avec son amie Marie-Rose.

"Le dimanche 5 juin, à cinq heures du matin, nous débarquons à Saint-Avold, où j'apprends enfin que les miens au grand complet m'attendent"  (Ibidem).

Archives de la famille Archives de la famille

Photo de gauche: Marie PFISTER reçoit une décoration. Photo de droite prise à la sortie de l'église des Invalides à Paris en 1945. Au premier plan: Georges PFISTER et Madame RAYNAL. Au second plan:  Marie PFISTER et Monsieur RAYNAL le jour du mariage d'Odile PFISTER et J.RAYNAL. Source des photos: Archives de la famille.

Notes:
Georges Mathieu, né le 28 avril 1920 à Montferrand (63), est condamné à mort et fusillé le 12 décembre 1944.

Jean Vernière, né le 1er mai 1921 à Clermont-Ferrand (63), est condamné à mort et fusillé le 19 décembre 1944 en cette ville.

Selon le Service Historique de la Défense GR 16 P 165496, elle est homologuée en tant que Résistante au titre des F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).

Marie PFISTER  décède le 25 mai 1988 à Saint-Raphaël (83).


Sources:

- Archives de la famille

- Bidault Suzanne Souvenirs de guerre et d'occupation Editions de la Table Ronde 1973

- Dictionnaire Historique de la Résistance sous la direction de François Marcot Robert Laffont 2006

- Etat civil de Lorient (56)

- Koerner Francis L'Epuration en Auvergne (1944-1948) Editions «La Galipote» 2009

- Lévy Gilles et Cordet Francis A nous, l'Auvergne Presses de la Cité 1981

- Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Editions Tirésias 2004

- Matricule 38971 Témoignage écrit de Marie Pfister dans Lettre à ma grand-mère Patrick Raynal Flammarion février 2008

- Péan Pierre Une jeunesse française François Mitterrand 1934-1947 Fayard 1994

- Service Historique de la Défense GR 16 P 165496

- Védrine Jean Les prisonniers de guerre, Vichy et la Résistance 1940-1945 Librairie Arthème Fayard 2013

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