KIENZLER ou KIENTZLER Emile Alphonse
Les 2 orthographes figurent à l'état-civil de Mulhouse.
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est né le 1er avril 1923 au domicile de ses parents au N° 31, rue d’Illzach à Mulhouse (68). Son père Emile est docteur et sa mère Louise née FLECK est sans profession.
«Catholique par ma mère, socialiste par mon père, toute ma jeunesse jusqu'à l'adolescence et l'âge adulte a évolué entre ces deux pôles: une mère croyante et un père aux idées totalement vouées à Jaurès et à Blum».
Source de la photo: Archives Municipales de Mulhouse. |
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En mai 1940 il se réfugie à Lauzun (47) avec sa famille à l'exception de son père resté à Mulhouse pour assumer ses responsabilités d'élu, puis retour à Mulhouse.
En 1941 il décide de rejoindre l'Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand en passant par la Suisse. Il s'inscrit «au P.C.B. (physique chimie biologie), année préparatoire alors nécessaire à l'entrée en faculté de médecine».
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Il milite sous le pseudonyme de "Kinou" au mouvement «Combat»: distribution de tracts, bris de vitrines, sabotages de circuits électriques et des cabines de projections cinématographiques. En septembre 1942 il est envoyé en mission à Montluçon avec d'autres militants dont Roger SCHAEFFER et Edgard AMIGAS pour plastiquer l'Office de Placement allemand, ce qu'ils réussissent à faire dans la nuit du 4 au 5 septembre. Mais, «trahis par le bavardage d'une comparse», ils sont arrêtés et internés à la prison de Montluçon jusqu'au 12 octobre.
Source du document ci-contre: Archives Départementales de l'Allier Fonds Rougeron.
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Puis il est transféré à la prison de Clermont-Ferrand où il fait la connaissance du docteur Paul WEIL, "personnage extraordinaire de bonté, d'intelligence et de savoir" et se lie d'amitié avec Edgard AMIGAS, étudiant domicilié à Grenoble, lui aussi arrêté à Montluçon.
Ils décident d'essayer de s'évader. Mais leur tentative échoue et se termine pour eux par un passage à tabac de la part des gardiens suivi de soixante jours de mitard.
En mai 1943 ils sont transférés à la prison Saint-Paul de Lyon (69). Le 22 septembre 1943 il est condamné par la Section Spéciale du Tribunal d'Etat de Lyon à 7 ans de travaux forcés pour «propagande antinationale, destruction d'objets mobiliers ou immobiliers, commise à l'aide d'explosifs par Kientzler à l'Office de Placement allemand".».
Le 15 octobre 1943 il est transféré à la Centrale d'Eysses à côté de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). Son nom figure sous le N° 535 sur le registre d'écrou.
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Source du document ci-dessus: Archives Départementales du Lot-et-Garonne 940 W 118.
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Il est affecté à l'infirmerie avec le docteur WEIL. Du 19 au 23 février 1944 il participe à l'insurrection de la Centrale. Celle-ci échoue de peu. Devant la menace d'un bombardement par les troupes allemandes appelées en renfort les insurgés se rendent. 12 prisonniers sont fusillés.
Le 30 mai plus de 1100 détenus sont "remis aux autorités allemandes". En clair, ils sont livrés aux nazis.
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| | Cette unique photo des emprisonnés d'Eysses en colonne par cinq, les mains sur la tête, au moment où ils quittaient la Centrale aux mains des S.S., le 30 mai 1944 pour la gare de Penne-d'Agenais (Lot-et-Garonne) où ils allaient être embarqués vers Compiègne, a été prise par un garde mobile d'une fenêtre dominant la cour d'honneur.
Source de la photo: L'insurrection d'Eysses 19/23 février 1944 Une prison dans la Résistance Amicale des Anciens d'Eysses Editions Sociales 1974 |
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Ils sont transférés en wagons à bestiaux de Penne d'Agenais (47) à Compiègne où ils arrivent le 2 juin.
Le 2 juillet 1944 il est déporté de Compiègne à Dachau dans le convoi N° I.240 surnommé le Train de la Mort.
Selon le Mémorial annuaire des Français de Dachau rédigé par l'Amicale des Anciens de Dachau , «Lors d'un arrêt prolongé du train en gare de St Brice près de Reims, par temps orageux et quarante degrés à l'ombre, les wagons se sont transformés en véritables étuves…Plus de cinq cents jeunes hommes sont morts de chaleur, de manque d'eau, d'asphyxie. L'atmosphère (…) a été génératrice de délire et de folie collective, entraînant des scènes d'horreur.
La responsabilité en incombe aux S.S.de la garde. Au moment où la situation devenait intenable, malgré les appels de détresse des détenus, les S.S. ont refusé d'ouvrir les portes, d'aérer les wagons et de distribuer de l'eau, ce qui eut sauvé les mourants.
Il ne s'agit, en la circonstance, ni d'une«bavure» ni d'un accident, mais essentiellement d'une action entrant dans le cadre de «l'entreprise générale et délibérée d'élimination des ennemis du Reich, de caractère authentiquement criminel».
Les corps des 519 victimes recensées sont transférés directement au crématoire.
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Source des documents
ci-dessus: Allach Kommando de Dachau Amicale des Anciens de
Dachau Jouve mai 1985.
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Dans leur wagon il n'y a aucun mort grâce à l'autorité du docteur WEIL. «Paul WEIL qui était (…) un géant d'un mètre quatre-vingt treize, prend le commandement et organise notre vie à bord.(…) Il nous fait asseoir les uns derrière les autres, nos corps véritablement emboîtés pour occuper la plus juste place. A tour de rôle, les uns pourront se lever et les autres s'asseoir. L'eau est parcimonieusement distribuée à chacun».
Alphonse KIENTZLER reçoit le matricule N° 77749 et Paul WEIL le N° 77802. Le 18 septembre 1944 ils sont tous les deux transférés en tant que membres du corps médical au camp de concentration de Stutthof.
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Le KL Stutthof: à ne pas confondre avec le Struthof.
Le KL Stutthof est situé en Prusse Orientale sur un terrain marécageux à 36 km à l'est de Dantzig. Au départ, il est destiné à l'internement des Polonais de Dantzig et de Poméranie. Très vite des politiques et des criminels allemands y sont aussi enfermés ainsi que des Soviétiques qui constituent, après l'attaque allemande contre l'URSS, le groupe le plus important.
L'épidémie de typhus qui éclate durant l'hiver 1944-1945 ainsi que l'évacuation du camp devant l'approche de l'Armée Rouge le 25 janvier 1945 , contribuèrent au développement d'une forte mortalité. Sur les 120000 déportés passés par le KL Stutthof, 65000 environ seraient ainsi décédés.
Source: Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
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Alphonse KIENTZLER y reçoit le matricule N° 87693 et est affecté à la baraque des maladies infectieuses. Quant au docteur WEIL avec le N° 87696, il rejoint le laboratoire.
Au camp de Stuttoff, les assassinats par balle dans la nuque ou par pendaison, quand ce n'est pas la piqûre intracardiaque de formol et d'acide phénique, sont fréquents en particulier pour les Juifs et les intellectuels polonais. Puis c'est l'épidémie de typhus. Selon le docteur WEIL, "Ce fut le début d'une épouvantable hécatombe. Le camp perdit quotidiennement au cours des dernières semaines deux et demi pour cent de ses effectifs. Bien qu'il n'y eut plus de meurtres systématiques, les fours crématoires se révélèrent insuffisants pour absorber l'énorme monceau de morts qu'on y apportait tous les jours. Les autorités du camp firent faire d'immenses bûchers dans la forêt".
En janvier 1945 face à l'avance des troupes soviétiques, ils participent à la cruelle marche d'évacuation vers la Poméranie qui fait de nombreuses victimes à cause de la fatigue, du froid, de l'absence d'abris et de ravitaillement ainsi que l'épidémie de typhus qui continue ses ravages.
Il est libéré par l'armée soviétique le 12 mars 1945 à Putzig, petite ville polonaise sur la Baltique. Il va rester quelque temps pour assister le docteur WEIL qui continue à prodiguer ses soins. Puis il prend le chemin du retour.
«Après bien des lenteurs encore, j'arrivai enfin sur les bords de l'Elbe qui séparaient la zone d'occupation anglaise de la zone d'occupation russe. Confié aux autorités anglaises très efficaces, je fus transporté par avion jusqu'à Bruxelles et gagnai ensuite Paris par le train où j'arrivai le 14 juin 1945.
Le cauchemar était terminé. L'Alsace était redevenue française, elle l'était toujours restée.» |
Il épouse Jacqueline FRIEDERICH le 11 juillet 1946 à Mulhouse.
Alphonse KIENTZLER va finir ses études de médecine et s'installer en 1951 à Mulhouse où il deviendra adjoint au maire.
Il contribue, en tant que témoin,à l'ouvrage collectif De l'Université aux camps de concentration. Témoignages strasbourgeois. Strasbourg: Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg, 1947. Il signe dans ce volume, en collaboration avec Paul WEIL, un article portant le titre A Stutthof. Document sur le Service Sanitaire d'un Camp d'Extermination.
Selon le Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 319964), il est homologué en tant que Résistant au titre des F.F.C. (Forces Françaises Combattantes) et des D.I.R. (Déportés et Internés de la Résistance).
Son premier mariage ayant été dissous, il épouse Nicole OTTER à Mulhouse le 1er décembre 1961.
Suivant l'article 1er de l'arrêté du Ministère de la Défense en date du 20 avril 1990, le "Bataillon F.F.I. de la Centrale d'Eysses" est assimilé à une unité combattante pour la période du 9 décembre 1943 au 31 mai 1944.
Il publie un ouvrage en 1992: Souviens-toi, docteur Weil. Strasbourg: Prospectives 21, 1992 dont la présente biographie s'inspire largement.
Il décède le 26 décembre 1995 à Tourrettes-sur-Loup (06).
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Sources:
- Archives Départementales du Lot-et Garonne 940 W 118
- Archives Départementales du Rhône 1035 W 2
- Archives du camp de Dachau sur Ancestry.com et JewishGen.org
- Archives Municipales de Mulhouse
- Bulletin Officiel des Armées Arrêté du 20 avril 1990
- Etat civil de Mulhouse (68)
- Kienzler Alphonse Souviens-toi, docteur Weil Ed. Prospective 21 décembre 1992
- Martres Eugène L'Auvergne dans la tourmente 1939-1945 De Borée 1998
- Mémorial annuaire des Français de Dachau Amicale des Anciens de Dachau 1987
- Service Historique de la Défense GR 16 P 319964
- Témoignages strasbourgeois De l'Université aux Camps de Concentration Publications de la Faculté de Lettres de l'Université de Strasbourg Société d'Edition "Les Belles Lettres" 1954.
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